Le président équatorien Daniel Noboa vante un «triomphe». Une majorité de ses compatriotes se sont prononcés dimanche 21 avril pour l’extradition des ressortissants liés au crime organisé, lors d’un référendum visant à durcir la législation contre le narcotrafic et les gangs. Le «oui» à cette proposition l’a emporté avec 65 % des suffrages, contre 35 % pour le «non», selon un calcul préliminaire du Conseil national électoral (CNE). Parmi les principales propositions adoptées figure l’extradition des ressortissants équatoriens liés au crime organisé - une mesure très crainte pour les personnes concernées quand elle est appliquée vers les Etats-Unis -, dans un pays devenu la principale plateforme de l’exportation de cocaïne produite en Colombie et au Pérou voisins.
Quelque 13,6 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour répondre par oui ou par non à onze questions posées par le président Noboa. Les votants ont répondu «oui» à neuf questions portant sur la sécurité, selon les résultats du CNE, qui a précisé que 72 % des électeurs équatoriens avaient participé au scrutin. Le vote en lui-même s’est déroulé sans incident notable sur tout le territoire. Mais la journée a été marquée par l’assassinat du directeur du pénitencier N.4 de Manabi (sur la côte Pacifique), «victime d’un attentat», selon l’administration pénitentiaire. L’homme a été exécuté par balles par des inconnus alors qu’il était attablé à un restaurant.
Contrôle des armes, peines alourdies…
Les principales propositions de cette consultation avaient pour mission de définir notamment «la direction et la politique d’Etat […] contre la violence, le crime organisé, la lutte contre la corruption» selon le chef de l’Etat, à l’image de la mesure sur l’extradition. «Nous avons défendu le pays, maintenant nous aurons plus d’outils pour combattre la criminalité et rendre la paix aux familles équatoriennes», a réagi le président Daniel Noboa sur les réseaux sociaux après le vote, avant de faire état d’un «triomphe» à l’annonce du résultat officiel.
Les Equatoriens se prononçaient également sur la participation de l’armée au contrôle des armes, l’alourdissement des peines pour les délits liés au crime organisé et sur la possibilité pour les forces de sécurité d’utiliser des armes saisies. Sur toutes ces questions sécuritaires, les électeurs ont appuyé les demandes du président Noboa. Les Equatoriens ont en revanche rejeté deux propositions : l’une sur la formalisation d’un travail payé à l’heure, mesure vivement critiquée par les syndicats et les organisations indigènes, où le «non» l’a emporté à 69 % selon le CNE. L’autre sur la reconnaissance de l’arbitrage international pour résoudre les litiges en matière d’investissement et de commerce (65 % de «non»).
Reportage
Gangréné par le narcotrafic, mais aussi la corruption, l’Equateur fait face depuis mi-janvier à une grave crise sécuritaire provoquée par les gangs. Le président Noboa, élu en novembre pour 18 mois, a déclaré le pays en «conflit armé interne» et a déployé l’armée pour neutraliser une vingtaine de ces groupes. Depuis lors, au moins une douzaine d’hommes politiques, responsables locaux, ou encore des procureurs ont été assassinés. Vendredi, le maire d’une localité minière du sud du pays a été tué par balle, troisième assassinat d’un édile en trois jours, et le cinquième en un an. En août 2023, peu avant le premier tour de la présidentielle, le principal candidat de l’opposition, Fernando Villavicencio, avait été abattu à la sortie d’un meeting de campagne. En 2023, le taux d’homicide a atteint le chiffre record de 43 pour 100 000 habitants, selon les chiffres officiels. En 2018, il était de 6 pour 100 000.
«Aucun regret»
À cette guerre interne s’ajoute la tempête diplomatique provoquée par l’assaut policier sur l’ambassade du Mexique à Quito début avril, sur ordre du président Noboa pour capturer l’ancien vice-président Jorge Glas (2013-2017), proche de l’ex-président Rafael Correa et qui fait l’objet d’une enquête pour corruption. Noboa, 36 ans, affirme qu’il n’a «aucun regret» concernant ce raid, qui a coûté au pays un procès - toujours en cours - devant la Cour internationale de justice (CIJ), et une condamnation internationale et des gouvernements de gauche d’Amérique Latine particulièrement fâchés.
Tensions
Malgré cette image internationale écornée, «on a l’impression que (localement) cette crise diplomatique avec le Mexique n’a pas eu d’effets négatifs (pour Noboa). Au contraire, les gens approuvent ses décisions prises en matière de sécurité», commente à l’AFP le politologue Santiago Basabe, de la Faculté latino-américaine des sciences sociales (Flacso). Au niveau national, l’urgence du moment est, depuis une semaine, énergétique, avec de sévères rationnements d’électricité (jusqu’à 13 heures par jour à Quito) et une revue en urgence des installations hydroélectriques.
Conséquence de la sécheresse, du phénomène el Niño, mais aussi d’une mauvaise gestion administrative, de l’aveu même des autorités, cette pénurie d’électricité serait aussi le fait de «sabotages» de hauts fonctionnaires liés à ses ennemis politiques, selon le président Noboa. Comprendre : le camp de l’ex-président Correa (2007-2017, en exil après sa condamnation pour corruption). Un décret présidentiel vendredi a ordonné la mobilisation de la police et de l’armée «pour garantir la sécurité des infrastructures énergétiques cruciales afin de prévenir le sabotage, les attaques terroristes ou d’autres menaces susceptibles d’affecter leur fonctionnement».
Mis à jour : lundi 22 avril à 7 h 30 avec le résultat du référendum.