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Armée

Etats-Unis : après des mois de blocage, le Sénat confirme son chef d’état-major des armées

Le Sénat a nommé mercredi 20 septembre le général Charles Brown Jr. au rang le plus élevé des forces armées américaines malgré l’opposition depuis plusieurs mois d’un sénateur anti-avortement. Une obstruction parlementaire qui divise au sein du Parti républicain.
Charles Brown Jr., nouveau chef d'état-major des armées aux Etats-Unis, est l'actuel commandant de l'armée de l'air. (Mandel Ngan/AFP)
publié le 21 septembre 2023 à 19h52

A une semaine près, l’armée américaine se retrouvait sans commandement. Le soir du mercredi 20 septembre, le Sénat a confirmé in extremis la nomination du général Charles Brown Jr. au poste de chef d’état-major des armées, le rang le plus élevé des forces armées américaines et le principal conseiller militaire du Président. Une confirmation extrêmement tardive puisque son prédécesseur Mark Milley doit prendre sa retraite dans quelques jours. La faute à l’obstruction du sénateur républicain de l’Alabama qui empêche la promotion de 300 hauts gradés dans les différentes branches de l’armée. Parmi elles, les commandements de l’Armée, des Marines et de l’US Navy, qui opèrent ces derniers mois sans chef. Une première dans l’histoire du pays. Le poste de représentant militaire des Etats-Unis à l’Otan, celui de sous-secrétaire à la Défense, et le commandant de l’US Indo-Pacific Command, qui coordonne les forces dans l’océan Pacifique, sont aussi touchés.

Entrave au fonctionnement de l’administration

Traditionnellement, le Sénat vote en bloc des promotions d’officiers généraux et d’autres positions militaires, nécessitant leur approbation, pour éviter de perdre du temps à approuver chaque position. Néanmoins depuis fin février, ces votes sont bloqués par Tommy Tuberville, un sénateur pro-vie qui s’oppose à la décision du département de la Défense de rembourser les frais et de donner des jours de congé aux membres de l’armée ayant besoin de voyager pour se faire avorter. Le Pentagone a pris cette initiative l’année dernière après que la Cour suprême a abrogé le droit constitutionnel à l’avortement, laissant certains Etats interdire la procédure.

Par conséquent, depuis des mois, plusieurs centaines de postes sont assurées par intérim. Autrement dit, par du personnel ayant un pouvoir de décision extrêmement restreint. Il s’agit donc d’une entrave au bon fonctionnement de l’administration militaire américaine, importune en pleine guerre en Ukraine et alors que la Chine intensifie ses manœuvres près de Taiwan et dans la mer de Chine Méridionale.

700 heures pour rattraper le retard

La situation embarrasse et divise de plus en plus au sein du Parti républicain. Pris entre son ambition d’être le parti des soldats et celui contre l’avortement, celui-ci n’arrive pas à parler d’une seule voix et à décider si l’initiative de Tommy Tuberville est géniale ou «un problème de sécurité nationale» (dixit Mike McCaul). L’actuel gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et l’ancien vice-président Mike Pence, tous deux candidats à la primaire, soutiennent Tommy Tuberville. Tandis que le leader des républicains au Sénat, Mitch McConnell, a affirmé au site d’actualité The Hill qu’il pensait que «bloquer ces soldats qui ne peuvent même pas s’impliquer en politique était une erreur».

La seule solution pour contourner cette obstruction parlementaire est celle qui a finalement été adoptée mercredi soir : approuver les nominations individuellement. Si le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a forcé le vote, il reste tout de même réticent à recourir à cette stratégie. Depuis le début de cette crise, les démocrates accusent le camp adverse d’en être responsable. Chuck Schumer a durement critiqué Tommy Tuberville, qui s’est institué, selon lui, en «gardien des officiers qui peuvent être promus et ceux qui doivent s’asseoir et attendre». Il a rappelé que «la responsabilité [pour le retard] revient entièrement au sénateur de l’Alabama».

Le Sénat devrait prochainement confirmer les commandants de la Marine et de l’Armée. Pour l’instant, aucun autre vote n’a été annoncé. Tommy Tuberville a déclaré mercredi 20 septembre : «Ils ont enfin compris que je n’abandonnerai pas. Ils doivent prendre la bonne décision et abandonner la mesure.» Le sénateur semble donc déterminé à continuer à bloquer les nominations. Fin août, un rapport du Congrès, commandité par un sénateur démocrate, a dévoilé qu’approuver chaque poste prendrait au minimum 700 heures au Sénat. Un temps dont la Chambre haute, confrontée à un risque de shutdown dès la fin du mois, ne dispose pas.