C’était soirée cornhole au Schemengees Bar & Grille, où ce jeu de lancer de sac de maïs, populaire au Québec et aux alentours des grands lacs américains, est un rituel. Ce mercredi 25 octobre en début de soirée, un homme est entré et a fait feu sur les clients de cet établissement de Lewiston (environ 36 000 habitants), la deuxième plus grande ville du Maine, vaste Etat côtier du coin nord-est des Etats-Unis.
Quelques minutes plus tôt, il avait déjà tiré sur la foule adolescente d’un bar à bowling de la même ville, à environ cinq kilomètres de là. 18 personnes au moins sont mortes, et 13 blessées demeuraient sous surveillance médicale selon un premier bilan officiel dévoilé le lendemain par Janet Mills, la gouverneure démocrate de l’Etat. Un bilan légèrement inférieur à celui initialement diffusé par les médias locaux, citant des sources policières (qui évoquaient 22 morts et une cinquantaine de blessés) mais situe néanmoins la tragédie parmi les plus meurtrières aux Etats Unis ces dernières années.
Antécédents psychiatriques
Les forces de l’ordre ont diffusé dans la soirée l’identité et une photographie d’un homme en fuite, activement recherché, qui serait l’unique tireur impliqué dans les deux fusillades. Bien que désigné comme «armé et dangereux», il ne lui avait pas encore été assigné le statut de suspect. Originaire d’une bourgade de la région, cet instructeur en armes à feu et réserviste militaire âgé de 40 ans présentait des antécédents psychiatriques identifiés (il aurait signalé entendre des voix), avant de séjourner deux semaines dans un institut spécialisé au cours de l’été passé. Il avait également exprimé des menaces à l’encontre d’une base militaire avoisinante. L’historique d’un compte X (ex-Twitter) qui semble lui appartenir, presque aussitôt désactivé par la plateforme, décrit un profil idéologique captif de l’extrême-droite conspirationniste, et notamment de thèses largement diffusées par Elon Musk depuis qu’il a pris le contrôle du réseau social.
These are pictures of the mass shooting suspect in Lewiston, Maine put out by local law enforcement. Over a dozen are feared dead and many more injured. Police stress this man is still at large. pic.twitter.com/KzjoW2XFil
— Omar Jimenez (@OmarJimenez) October 26, 2023
Un véhicule immatriculé à son nom a été retrouvé abandonné à une dizaine de kilomètres de Lewiston, dans la bourgade de Lisbon, alors que la très faible densité de cette région densément arborée laisse redouter une traque ardue, surtout si l’homme recherché s’est enfoncé à pied dans les bois. Les habitants du comté, ainsi que ceux de zones avoisinantes du Massachussetts, ont reçu l’ordre de rester cloîtrés chez eux, sans sortir ni ouvrir à quiconque, tandis que les recherches se poursuivent et que plusieurs écoles de la région ont annoncé leur fermeture jeudi.
Jeudi, Joe Biden a ordonné la mise en berne des drapeaux du pays, en «marque de respect envers les victimes des actes de violence insensés perpétrés». Dans un communiqué publié ensuite, le Président s’est désolé : «Une fois de plus, notre nation est en deuil après une nouvelle fusillade insensée et tragique. […] Pour d’innombrables Américains qui ont survécu à la violence armée et en ont été traumatisés, une fusillade comme celle-ci rouvre des blessures profondes et douloureuses. Beaucoup trop d’Américains ont eu un membre de leur famille tué ou blessé à la suite d’une violence par arme à feu. Ce n’est pas normal et nous ne pouvons pas l’accepter.»
Etat rural et chasseur
«Aujourd’hui, à la suite d’une nouvelle tragédie, poursuit le président américain, j’exhorte les législateurs républicains du Congrès à remplir leur devoir de protection du peuple américain. Travaillez avec nous pour adopter un projet de loi interdisant les armes d’assaut et les chargeurs de grande capacité, pour mettre en place un contrôle universel des antécédents, pour exiger un stockage sûr des armes à feu et pour mettre fin à l’immunité de responsabilité des fabricants d’armes à feu. C’est la moindre des choses que nous devons à tous les Américains qui porteront les cicatrices – physiques et mentales – de cette nouvelle attaque.» Un vœu pieux qui présente des chances à peu près nulles d’êtres suivies d’effet. Désigné jeudi à la tête de la Chambre des représentants, le nouveau «speaker» ultraconservateur Mike Johnson a été ainsi aussitôt salué par la sinistrement célèbre National Rifle Association (NRA), le principal lobby armurier du pays, comme un «fervent défenseur» du droit citoyen à porter des armes.
Opérant à visage découvert sur les images de vidéo surveillance rendues publiques, le tireur y apparaît équipé d’un fusil semi-automatique AR-15. Soit la même arme impliquée dans la plupart des pires tueries de masse des dernières années (à Sandy Hook, Sutherland Springs, Las Vegas, Parkland, Orlando, Uvalde…), et dont une majorité d’élus républicains empêche, année après année, les administrations démocrates d’interdire la vente libre au grand public. En Etat très rural et chasseur, le Maine est l’un des moins stricts de la région en matière de détention et de port d’armes à feu. Selon l’ONG Gun Archive Violence, 15 534 personnes ont été tuées cette année par balles aux Etats-Unis (hors suicides). Plusieurs études signalent aussi que près d’un tiers des fusillades de masse y sont commises par des personnes passées par l’armée.
Mise à jour jeudi 26 octobre à 16h55 : actualisation du bilan humain et du profil de l’homme recherché.
Mise à jour jeudi 26 octobre à 17h20 : réaction de Joe Biden.