C’est l’histoire d’un fleuve américain et d’un poison invisible. Depuis des décennies, le fleuve Cape Fear, en Caroline du Nord, est le théâtre discret mais implacable d’un scandale environnemental : sur ses rives, de nombreuses industries rejettent des substances poly et perfluoroalkylées, tristement célèbres sous le nom de «polluants éternels» ou Pfas. Au sud de Fayetteville, l’usine du géant chimique Chemours – né en 2015 d’une scission de DuPont – en fabrique même directement sur place. En aval, le fleuve serpente sur près de 200 kilomètres avant de se jeter dans l’océan Atlantique, alimentant sur son chemin des centaines de milliers de riverains en eau potable.
En 2012, deux chimistes de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), Mark Strynar et Andrew Lindstrom, spécialisés dans l’étude de ces composés tenaces, entreprennent de prélever des échantillo