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Libération
Peine de mort

Etats-Unis : des experts de l’ONU s’inquiètent d’une exécution inédite par inhalation d’azote

Le 25 janvier, l’Alabama prévoit d’exécuter Kenneth Smith, un détenu de 58 ans, par inhalation d’azote. Des rapporteurs de l’ONU alertent sur les «graves souffrances» que pourrait causer cette méthode encore jamais testée sur l’homme.
Le prisonnier de 58 ans est dans le couloir de la mort pour un meurtre commis en 1988 alors qu’il avait 22 ans. (Brynn Anderson/AP)
publié le 3 janvier 2024 à 17h47
(mis à jour le 3 janvier 2024 à 17h47)

Ce serait une bien sombre première mondiale. La prochaine exécution par inhalation d’azote du condamné à mort Kenneth Smith, dans l’Alabama, Etat du sud des Etats-Unis, a conduit quatre rapporteurs de l’Organisation des Nations unies à s’alarmer ce mercredi 3 janvier. Jamais utilisée sur l’homme auparavant, cette méthode provoque la mort par hypoxie, ou raréfaction d’oxygène, et pourrait s’apparenter à de la torture selon eux.

Les experts indépendants de l’ONU s’inquiètent des «graves souffrances que l’exécution par inhalation d’azote pourrait causer» et affirment qu’il n’existe «aucune preuve scientifique» du contraire, d’après leur communiqué. Le document a été signé par les rapporteurs spéciaux sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. «Il s’agira du premier essai d’exécution par hypoxie à l’azote», précisent les experts, originaires du Chili, d’Australie, d’Afrique du Sud et des Etats-Unis, qui sont mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’organisation internationale mais ne s’expriment pas en son nom.

Gaz inodore et bon marché

«Nous craignons que l’hypoxie à l’azote n’entraîne une mort douloureuse et humiliante», observent-ils, estimant que «les exécutions expérimentales par asphyxie au gaz – telle que l’hypoxie à l’azote – violeraient probablement l’interdiction de la torture et autres peines cruelles, inhumaines ou dégradantes». Dans l’attente d’une révision du protocole d’exécution, les experts des Nations unies appellent les autorités fédérales et l’Etat d’Alabama à suspendre la mise à mort de Kenneth Smith, prévue le 25 janvier, ainsi que de tout autre condamné concerné par ce type de peine capitale.

En 2018, les autorités de l’Oklahoma avaient déjà annoncé lancer des recherches pour mettre en œuvre ce nouveau protocole de mise à mort par l’azote. Ce gaz inodore et bon marché avait alors été envisagé comme une solution à la pénurie de substances létales utilisées pour les injections et aux tentatives ratées, en hausse ces dernières années.

Mais l’exécution par inhalation forcée n’est pas nouvelle aux Etats-Unis. Cette pratique dite de la «chambre à gaz» a été lancée en 1920, à l’époque avec une version gazeuse du cyanure. Utilisée pour la dernière fois en 1999, elle provoquait d’atroces souffrances chez les détenus, avant d’entraîner leur mort.

Recours rejeté par la Cour suprême

En novembre 2022, Kenneth Smith avait échappé de peu à son exécution par injection létale, annulée in extremis : selon le quotidien britannique The Guardian, les fonctionnaires avaient passé des heures à essayer en vain de lui poser une perfusion intraveineuse pour lui injecter la solution mortelle. Le prisonnier de 58 ans est dans le couloir de la mort pour un meurtre commis en 1988, alors qu’il avait 22 ans. Un époux infidèle et endetté l’avait engagé, lui et un autre tueur à gages, pour abattre son épouse lors d’un faux cambriolage.

Kenneth Smith avait été condamné une première fois à la peine capitale, mais le procès avait été annulé en appel. Lors de son second procès, en 1996, il avait de nouveau été reconnu coupable de meurtre, mais les jurés s’étaient divisés sur la sentence : 11 sur 12 avaient recommandé une peine de prison à perpétuité. Passant outre leur avis, un juge avait suscité la controverse en imposant la condamnation à mort.

Conjointement aux préoccupations des experts de l’ONU sur la mise à mort par inhalation d’azote, les avocats de Kenneth Smith ont tenté sur ce motif d’obtenir ce mercredi un sursis auprès de la Cour suprême des Etats-Unis. Mais la haute juridiction, à majorité composée de juges conservateurs, a rejeté leur recours.