Du parking d’une supérette au pénitencier de la ville, la procession avance à pas lents et douloureux dans l’épaisse touffeur qui fait suinter les vieux bâtiments de briques de Sparta, Géorgie, en cette journée de fin d’été. A mi-chemin, tout le monde prendra la pose, poing levé, devant une fresque en l’honneur de John Lewis, le héros des luttes pour les droits civiques. Et, à l’aller comme au retour, on marquera l’arrêt quelques minutes au milieu du principal carrefour de la bourgade, pour y répandre la fureur et les slogans inspirés par la mort de Brianna Grier, 27 ans, tombée d’une voiture de police en marche lors de son arrestation.
Profil
Il y a là des gens du coin, parents, proches et voisins de la défunte jeune femme. Des militants de divers groupes progressistes venus des agglomérations d’Atlanta et d’Athens, l’une et l’autre à une heure et demie de route. Un imposant monsieur au regard doux, qui souffle à qui veut l’entendre que son fils aussi, dont il porte l’image, a été assassiné par la police, à Atlanta. Un vieil homme mutique, à la silhouette de phasme si longiligne et déliée qu’on la croirait au bord de se briser à tout moment, derrière cette plainte tracée à la main sur son écriteau : «Aidez-moi, ne me tuez pas.» Et puis, au milieu de la nuée de tee-shirts et pancartes exigeant vérité et justice pour celle dont la foule scande depuis deux heures le nom, trône ce panneau tout autre, à l’effigie de l’actuelle candidate démocrate au poste de gouverneure de Géorgi