C’est une loi du XIXe siècle, qui menace les droits de milliers de femmes américaines en interdisant quasiment tous les avortements. La plus haute juridiction de l’Etat de l’Arizona l’a estimée «applicable» ce mardi 9 avril. Le texte prohibe toute interruption de grossesse dès le moment de la conception, sauf si la vie de la mère est en danger. Le viol ou l’inceste ne sont pas considérés comme des exceptions valables. Les médecins réalisant un avortement risquent en théorie deux à cinq ans d’emprisonnement.
Les juges de la Cour suprême ont estimé que rien ne s’opposait à l’application de ce texte, resté en sommeil depuis presque deux siècles. Depuis que la protection constitutionnelle du droit à l’avortement a été annulée en 2022, chaque Etat américain est libre de légiférer à ce sujet. Depuis, une vingtaine d’Etats ont interdit ou sévèrement restreint l’accès à l’avortement.
Dans les faits, cette décision ne signifie pas que cette loi sera respectée. La procureure générale d’Arizona, la démocrate Kris Mayes, a prévenu de longue date qu’elle n’engagerait aucune poursuite : «La décision d’aujourd’hui de réimposer une loi datant d’une époque où l’Arizona n’était pas un Etat, où la guerre civile faisait rage et où les femmes ne pouvaient même pas voter, restera dans l’Histoire comme une tache sur notre Etat», a-t-elle dénoncé, en réitérant qu’elle ne poursuivrait aucune femme ou médecin pour un avortement.
Initiative populaire pour un référendum
Mais la porte est désormais ouverte aux dérives : les procureurs sont élus aux Etats-Unis et cette position pourrait changer au gré des scrutins. «Cette décision est le résultat du programme extrême des élus républicains qui s’engagent à priver les femmes de leur liberté», a aussitôt dénoncé mardi Joe Biden, dans un communiqué. Sa vice-présidente Kamala Harris lui a emboîté le pas, en annonçant qu’elle se rendrait vendredi à Tucson, dans le sud de l’Arizona, pour un événement de campagne en faveur de la «liberté reproductive».
Une initiative populaire a récemment annoncé avoir recueilli les signatures pour obtenir un référendum afin d’inscrire l’avortement dans la Constitution de cet Etat du sud-ouest. Un projet similaire est en cours dans le Nevada voisin.
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A quelques mois de l’élection présidentielle, ce jugement est hautement symbolique. Qui plus est, pris dans un Etat-clé où Joe Biden l’a emporté face à Donald Trump avec seulement 10 000 voix d’avance en 2020. L’ex-président républicain a justement souligné lundi vouloir laisser la main libre aux Etats américains pour légiférer sur l’avortement, en cas de retour à la Maison Blanche. Il faut dire que l’avortement a été un cheval de bataille majeur des conservateurs américains pendant des décennies.
La restriction de l’IVG semble pourtant handicaper le parti républicain dans les urnes : les démocrates ont fait bien mieux que prévu lors des élections de mi-mandat en novembre 2022, en capitalisant sur leur défense du droit à l’avortement. Ils veulent en faire un argument majeur pour réélire Joe Biden. Conscient de cette impopularité, Donald Trump marche sur des œufs. Il a renoncé à se prononcer pour une interdiction nationale de l’avortement au-delà de 15 ou 16 semaines, s’attirant les foudres des évangélistes radicaux et associations anti-avortements.