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Libération
Droit des femmes

Etats-Unis : la pilule abortive échappe au joug conservateur de la Cour suprême

Une série de médecins hostiles à l’avortement souhaitaient restreindre l’accès à la mifépristone, pilule la plus utilisée aux Etats-Unis. Les juges de la Cour suprême ont annulé à l’unanimité, ce jeudi 13 juin, leur décision d’appel.
Des manifestants pour le droit à l'avortement, le 16 mai 2023 à Raleigh, en Caroline du Nord. (Chris Seward/AP)
publié le 13 juin 2024 à 21h29

Elle avait torpillé le droit à l’avortement, elle préserve (pour le moment) la pilule abortive. La Cour suprême des Etats-Unis a infligé, ce jeudi 13 juin, un revers salvateur aux conservateurs les plus opposés au droit à l’irruption volontaire de grossesse, en maintenant l’accès à la pilule abortive dans le pays.

En 2023, une cour d’appel ultraconservatrice de la Nouvelle-Orléans avait rétabli une série de restrictions d’accès à la mifépristone, une pilule utilisée dans la majorité des avortements aux Etats-Unis. Une décision à contre-pied de l’assouplissement des règles menées par l’Agence américaine du médicament (FDA) depuis 2016.

Les plaignants, qui regroupent des associations de médecins et praticiens hostiles à l’IVG, voulaient ranger la justice de leur côté, pour ne plus avoir à prescrire cette pilule abortive, sans obstacle. Mais les neuf juges de la Cour suprême, dans un arrêt unanime, réfutent un «intérêt à agir». «Les plaignants n’ont pas démontré que l’assouplissement des règles de la FDA leur porterait probablement préjudice dans les faits», écrit dans sa décision au nom de toute la cour le juge Brett Kavanaugh. «Pour cette raison, les tribunaux fédéraux ne sont pas la voie adéquate pour répondre aux inquiétudes des plaignants au sujet des actions de la FDA», ajoute-t-il, soulignant qu’ils peuvent en saisir le pouvoir exécutif ou législatif.

«Nous devons rester vigilants»

L’institut Guttmacher, un centre de recherche favorable à l’avortement dont les études font autorité, s’est dit «soulagé» par l’arrêt de la Cour suprême sur la mifépristone, «la seule décision raisonnable» possible. Mais l’institut a déploré que cette plainte «de mauvaise foi et sans base factuelle ou scientifique» soit parvenue jusqu’à la plus haute juridiction du pays. «Même après l’échec de ce recours infondé, nous devons rester vigilants. Le mouvement anti-avortement poursuit sans relâche son objectif d’interdire l’avortement à l’échelle nationale», a ajouté dans un communiqué Destiny Lopez, coprésidente de l’institut Guttmacher. «Malheureusement les attaques contre les pilules abortives ne s’arrêteront pas là», a ajouté la présidente du Centre pour les droits reproductifs, Nancy Northup.

L’organisation chrétienne conservatrice Alliance Defending Freedom (ADF), qui représentait les plaignants, s’est dite «déçue que la Cour ne se soit pas prononcée sur le fond sur les actions illégitimes de la FDA», et a réaffirmé que les allègements des règles décidées par l’agence mettent en danger la santé des femmes. Invoquant des risques pourtant écartés par le consensus scientifique, la décision d’appel, si elle avait été confirmée, aurait ramené la limite de dix semaines de grossesse à sept, interdit l’envoi des comprimés par voie postale et rendu de nouveau obligatoire la prescription exclusivement par un médecin.

Le président démocrate Joe Biden a pris acte de la décision mais a également souligné que «la lutte continuait». «Cette décision ne change pas le fait que des millions d’Américaines vivent aujourd’hui sous de cruelles interdictions d’avortement à cause de Donald Trump», a renchéri sa vice-présidente Kamala Harris.

L’équipe démocrate a fait de la protection du droit à l’avortement un axe de sa campagne pour l’élection de novembre face à son prédécesseur républicain Donald Trump, qui se targue d’avoir par ses nominations de trois juges conservateurs à la Cour suprême permis la révocation de l’arrêt Roe v. Wade qui protégeait le droit à l’avortement dans tout le pays depuis près de cinquante ans.