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Libération
«Lettre d’amour»

Etats-Unis : le prix Nobel de littérature Wole Soyinka, très critique de Trump, annonce que son visa américain a été annulé

Dans une conférence de presse pleine d’humour, l’écrivain de 91 ans a annoncé ce mardi 28 octobre que son visa avait été révoqué sans plus d’explication par le consulat des Etats-Unis à Lagos.

Wole Soyinka à Johannesburg en avril 2024. (Marco Longari/AFP)
Publié le 28/10/2025 à 21h09

Un pur hasard, ou un ordre direct de la présidence ? L’écrivain nigérian Wole Soyinka, premier auteur africain à recevoir en 1986 le Nobel de littérature et très critique envers le président Donald Trump, a annoncé ce mardi 28 octobre que le consulat des Etats-Unis à Lagos avait annulé son visa. «Je tiens à assurer le consulat… que je suis très satisfait de l’annulation de mon visa» , a déclaré plein d’humour le célèbre dramaturge et auteur nigérian, âgé de 91 ans, lors d’une conférence de presse.

Un peu plus tôt cette année, il avait indiqué avoir été convoqué par le consulat américain pour un entretien dans le cadre d’un renouvellement de son visa. Il bénéficiait auparavant d’un statut de résident permanent aux Etats-Unis même s’il avait détruit sa Carte verte (Green Card) après la première élection de Donald Trump en 2016. Selon une lettre adressée à Wole Soyinka par le consulat, les responsables ont cité les règlements du département d’Etat qui permettent d’«annuler un visa de non-immigrant à tout moment, à sa discrétion».

En lisant la lettre à haute voix devant des journalistes à Lagos, la capitale économique du Nigeria, le Nobel a déclaré qu’on lui avait demandé d’apporter son passeport au consulat afin que son visa puisse être annulé. Wole Soyinka a déclaré dans un sourire que c’était «une lettre d’amour plutôt curieuse venant d’une ambassade», tout en conseillant à toute organisation espérant l’inviter aux Etats-Unis de «de pas perdre leur temps» : «Je n’ai pas de visa. Je suis interdit d’entrée.»

Donald Trump «se comporte comme un dictateur»

Le dramaturge a enseigné et reçu des distinctions de grandes universités américaines, notamment Harvard et Cornell. L’administration Trump a fait de l’annulation des visas un élément clef de sa lutte contre l’immigration, ciblant notamment les étudiants qui s’exprimaient sur les droits palestiniens. Sollicitée, l’ambassade des Etats-Unis à Abuja a indiqué qu’elle ne commentait pas les cas individuels, invoquant les règles de confidentialité.

Icône de la littérature africaine, Wole Soyinka est également une grande figure d’opposition aux dictatures militaires au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique. Récemment, l’écrivain avait comparé Donald Trump au dictateur ougandais Idi Amin Dada. Surnommé le «Boucher de l’Afrique», le général, auto-proclamé chef de l’Etat en 1971, a été renversé en 1979 après un règne sans partage marquées par une répression aveugle, la mort de 300 000 à 500 000 Ougandais et l’expulsion de toute la communauté indo-pakistanaise. Il a fui en Libye puis en Arabie saoudite où il est mort en 2003.

«Idi Amin (Dada) était un homme de stature internationale, un homme d’Etat, donc lorsque j’ai comparé Donald Trump à Idi Amin, je pensais lui faire un compliment, a encore ironisé Wole Soyinka. Il se comporte comme un dictateur, il devrait en être fier.»

Wole Soyinka est l’auteur d’une soixantaine de pièces, poèmes, essais, études critiques, récits autobiographiques, ainsi que de trois romans. Il a incarné une génération d’écrivains noirs anglophones (comme Chinua Achebe) qui avaient pris, dès les années 1960, leurs distances avec le concept de «négritude», mouvement lancé par des francophones comme le Martiniquais Aimé Césaire ou le Sénégalais Léopold Sédar Senghor avant la Seconde Guerre mondiale. Wole Soyinka préfère l’idée de «tigritude».