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Justice

Etats-Unis : Payton Gendron, l’auteur de la tuerie raciste de Buffalo, condamné à la prison à vie

Moins d’un an après l’attaque raciste qui a fait une dizaine de morts dans un supermarché de l’Etat de New York, l’auteur de la fusillade, âgé de 19 ans, a écopé ce mercredi de la peine maximale.
Dans l'église baptiste True Bethel de Buffalo, le 15 mai, au lendemain de la tuerie. (Scott Olson/AFP)
publié le 15 février 2023 à 17h43

Près de neuf mois jour pour jour après la tuerie de Buffalo le 14 mai dernier, Payton Gendron a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle ce mercredi par le tribunal du comté d’Erié à Buffalo. «Il n’y a pas de place pour vous ni pour votre idéologie imbécile, haineuse et malfaisante dans une société civilisée, a dit la juge Susan Eagan à Payton Gendron, 19 ans. Vous ne verrez plus jamais la lumière du jour comme un homme libre.»

Ce jeune Américain blanc, âgé de 18 ans au moment des faits, avait reconnu en décembre dernier être coupable de la fusillade qui a ensanglanté un supermarché de Buffalo, une ville située à l’est de l’Etat de New York. Dix personnes étaient mortes sous ses balles et trois avaient été blessées, en grande majorité des Afro-Américains.

Le jeune homme avait planifié son passage à l’acte au millimètre près. La veille de la tuerie, Payton Gendron a parcouru plus de 300 km depuis sa petite ville de Conklin, dans le sud de l’Etat de New York, pour se familiariser avec l’endroit. Le lendemain, il a refait le même chemin et s’est garé sur le parking du supermarché Tops Friendly Market, dans un des quartiers afro-américains de l’est de la ville de Buffalo. Son accoutrement : un casque sur la tête, des vêtements militaires et un gilet pare-balles où est dessiné un soleil noir, symbole du mysticisme nazi.

Dans ses mains, un fusil semi-automatique de type AR-15 où était inscrit le numéro 14, un nombre symbolique faisant référence aux 14 mots du slogan suprémacistes blanc «We must secure the existence of our people and a future for white children» («Nous devons sécuriser l’existence de notre peuple et un futur pour les enfants blancs»). De l’autre côté de son arme, une autre inscription à l’encre blanche était visible : «nigger» («nègre» en français). L’enquête révélera l’existence de deux autres armes dans le coffre de son véhicule.

Une tuerie diffusée en direct sur Twitch

A peine descendu de sa voiture, Payton Gendron a ouvert le feu sur quatre personnes sur le parking. Il s’est ensuite avancé vers le supermarché et s’est retrouvé face à face avec l’agent de sécurité du magasin. Armé, ce dernier a bien tenté de riposter, mais en vain. L’assaillant, protégé par son gilet pare-balles, a abattu l’agent de sécurité près des caisses puis s’est dirigé vers les rayons et a tué cinq autres clients. Selon le chef de la police de Buffalo, Joseph Gramaglia, onze des victimes étaient afro-américaines et deux blanches, âgées de 20 à 86 ans. Aussitôt sorti du magasin, Payton Gendron a été arrêté par la police. Il avait pris le soin de filmer la tuerie via une caméra portable qu’il avait sur lui, pour la diffuser en direct sur le réseau social Twitch.

Le jeune homme a été inculpé pour meurtre avec préméditation et mis en détention sans caution. Les autorités l’ont également poursuivi pour avoir perpétré «un crime raciste motivé par la haine» et un acte de «terrorisme intérieur». Alors qu’il a initialement plaidé non coupable lors de son arrestation, Payton Gendron a changé d’avis et a plaidé coupable en décembre dernier. Le procureur avait alors rappelé le caractère «raciste» de ces crimes, «nourris par l’idéologie suprémaciste blanche et visant délibérément des personnes noires».

Très vite, l’enquête a révélé qu’un long manifeste de 180 pages avait été retrouvé sur l’un des comptes en ligne de Payton Gendron et plus de 600 pages d’archives de ses discussions sur les réseaux sociaux.

«Je sais que la tragédie se reproduira»

Selon les informations de CNN qui s’est procuré les documents, le jeune adulte se décrit comme un «fasciste» «suprémaciste blanc» et «antisémite» en déclarant vouloir lutter contre «l’ennemi juif». Il justifie ses idéologies par la théorie raciste du Grand Remplacement, selon laquelle les personnes blanches seraient menacées de disparaître en Occident au profit des minorités avec l’aide de la gauche. Il avait également prédit plusieurs mois plus tôt la tuerie en disant vouloir tuer des personnes noires à Buffalo, une ville qui concentre une forte population afro-américaine.

Choquée par l’horreur du massacre, la classe politique n’a pas tardé à réagir avec force. Le président américain, Joe Biden s’est insurgé lors d’un discours donné à Buffalo quelques jours après l’attaque : «la suprématie blanche est un poison […] l’idéologie de la suprématie blanche n’a pas sa place en Amérique». Il s’est également montré agacé concernant l’ampleur de la circulation des armes à feu aux Etats-Unis «Je ne suis pas naïf. Je sais que la tragédie se reproduira. Mais il y a des choses que nous pouvons faire. Nous pouvons bannir les armes d’assaut de nos rues».

Le 6 juin dernier, soit deux semaines après le massacre à Buffalo, le parlement local de l’Etat de New York a mis en place plusieurs mesures comme l’augmentation du seuil de l’âge légal d’un achat d’un fusil semi-automatique de 18 à 21 ans, l’interdiction de vendre un gilet pare-balles, ou l’obligation du permis de port d’armes pour pouvoir acheter un fusil d’assaut.

Au niveau fédéral aussi, la législation s’est durcie : le 24 juin le Congrès a adopté un projet de loi qui renforce notamment les conditions d’achat d’armes à feu pour les jeunes de moins de 21 ans et instaure une base de données pour vérifier les antécédents judiciaires et psychologiques des acheteurs. Ratifiée par Joe Biden le jour même, cette loi bi partisane est considérée comme une des avancées majeures de cette dernière décennie sur une des questions les plus controversées aux Etats-Unis.

Néanmoins, ces mesures n’ont pas arrêté la progression des tueries. Selon l’ONG Gun Violence Archive, 648 fusillades ont été répertoriées en 2022 aux Etats-Unis. L’organisation révèle également que plus de 44 000 personnes sont mortes par arme à feu l’an dernier, dont environ 20 200 homicides pour 24 000 suicides.