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Peine

Etats-Unis : un condamné à mort exécuté par inhalation d’azote, une première mondiale

Kenneth Eugene Smith a été tué jeudi 25 janvier dans l’Alabama après d’interminables dizaines de minutes de souffrance. L’ONU dénonce un procédé, autorisé seulement dans trois Etats américains, «pouvant constituer de la torture».
Un brancard dans une chambre d'exécution du pénitencier McAlester, dans l'Etat de l'Oklahoma, en 2014. (Sue Ogrocki/AP)
publié le 26 janvier 2024 à 9h35
(mis à jour le 26 janvier 2024 à 10h19)

De la «torture» pour l’ONU, un moyen efficace et «humain» d’en finir avec ses prisonniers selon les Etats-Unis. L’Etat américain de l’Alabama a exécuté jeudi 25 janvier un condamné par inhalation d’azote, une première mondiale. Kenneth Eugene Smith, définitivement condamné en 1996 à la peine capitale pour le meurtre d’une femme commandité par son mari, est décédé au pénitencier d’Atmore à 20 h 25 locales (3 h 25 vendredi à Paris), pas moins de vingt-neuf minutes après le début de l’exécution, a annoncé un communiqué du procureur général d’Alabama.

Une fois l’exécution commencée, Kenneth Eugene Smith «a commencé à se tordre et se débattre pendant approximativement deux à quatre minutes, suivies d’environ cinq minutes de respiration bruyante», a rapporté le média local AL. com se fondant sur des témoins. Le condamné semble avoir «retenu sa respiration aussi longtemps qu’il le pouvait», a expliqué aux journalistes le commissaire de l’administration pénitentiaire de l’Alabama John Hamm.

Il s’agit de la première exécution de l’année aux Etats-Unis, où 24 ont été réalisées en 2023, toutes par injection létale. C’est la première fois depuis plus de quarante ans qu’un mode d’exécution inédit est utilisé dans ce pays. «Justice a été rendue. Ce soir, Kenneth Smith a été mis à mort pour l’acte abject qu’il avait commis il y a 35 ans», a déclaré Steve Marshall, affirmant que l’Alabama avait «accompli quelque chose d’historique». Cet Etat du sud-est américain est l’un des trois seuls autorisant l’exécution par inhalation d’azote, dans laquelle le décès est provoqué par hypoxie (raréfaction d’oxygène).

Pour le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, qui a réagi ce vendredi matin, «cette méthode non éprouvée de suffocation par l’azote pourrait constituer de la torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant». L’Union européenne, par la voix d’un de ses porte-parole, a pour sa part dénoncé une exécution «particulièrement cruelle».

En raison d’une difficulté à se procurer des injections létales - les sociétés pharmaceutiques rechignent à en vendre aux autorités pénitentiaires conscientes de la mauvaise image véhiculée - de plus en plus d’Etats cherchent de nouveaux procédés pour exécuter leurs détenus. Ou reviennent à de vieilles pratiques, comme l’Idaho qui est devenu en avril 2023 le cinquième Etat à réautoriser les exécutions par balle.

Les animaux ont le droit à une sédation, pas les humains

Le protocole d’exécution par hypoxie à l’azote de l’Alabama ne prévoit pas de sédation, alors que l’Association américaine vétérinaire (AVMA) recommande d’administrer un sédatif aux animaux euthanasiés de cette façon.

Tous les recours et demandes de sursis du condamné de 58 ans ont été rejetés, y compris mercredi par la Cour suprême. La plus haute juridiction du pays, à majorité conservatrice, était saisie jeudi d’un ultime recours du condamné, mais n’y a pas donné suite. Dans ses arguments écrits à la Cour suprême, l’Etat était même allé jusqu’à présenter l’hypoxie à l’azote comme «peut-être le mode d’exécution le plus humain jamais inventé».

La peine de mort a été abolie dans 23 Etats américains, tandis que six autres observent un moratoire pour son application sur décision du gouverneur.

Mise à jour à 10 h 20 avec les réactions de l’ONU et de l’UE.