«L’armée sait» : huit ans après la disparition de 43 étudiants, des milliers de manifestants ont pris la rue lundi pour exiger que justice soit faite. Déchirés, les parents des victimes refusent de taire leurs interrogations et dénoncent l’impunité qui a régné durant les quatre ans de mandat du président Enrique Peña Nieto et de son successeur de gauche Andres Manuel Lopez Obrador – qui avait pourtant promis d’éclaircir l’affaire. «La hiérarchie militaire occupe la tribune et lance des menaces» ; «notre incertitude et notre douleur ne font qu’augmenter», ont-ils clamé lors du rassemblement.
«Nous exigeons qu’on enquête sur les militaires, qu’on les punisse, qu’on n’enquête pas seulement sur la délinquance organisée», a déclaré hier Blanca Nava, mère de l’un des jeunes disparus. Des heurts ont éclaté en fin de cortège dans le centre de la capitale malgré l’appel à une marche pacifique lancé par le président Obrador, qui avait décrété une journée de deuil ce lundi.
Acompañados de miles de personas, familiares de los 43 normalistas de Ayotzinapa encabezaron ayer una marcha al Zócalo por el 8 aniversario de la desaparición de los jóvenes. "Todo se viene abajo cuando se trata de investigar al Ejército", dijeron. https://t.co/8GyAzt8amf pic.twitter.com/KFkW80YSa3
— La Jornada (@lajornadaonline) September 27, 2022
L’affaire n’est pas close
Le peuple mexicain n’oublie rien et sa colère s’intensifie un mois et demi après la parution d’un rapport officiel mettant pour la première fois en cause les forces armées dans ce dossier. Selon la première enquête officielle menée sous l’administration d’Enrique Peña Nieto (2012-2018), les 43 étudiants de l’école de formation de maîtres d’Ayotzinapa, ont été arrêtés par la police locale de mèche avec le gang Guerreros Unidos. Ils avaient «réquisitionné» un bus à Iguala pour se rendre ensuite à une manifestation dans la capitale. Ce qui leur a valu d’être tués par balles et brûlés dans une décharge. Seuls les restes de trois d’entre eux ont pu être identifiés.
Le rapport de la «Commission pour la vérité Ayotzinapa» a conclu en août que les militaires mexicains avaient aussi une part de responsabilité dans ces crimes. Un tribunal mexicain avait alors émis 83 mandats d’arrêt dans l’affaire des 43 disparus. L’ancien procureur général Jesus Murillo Karam a été arrêté après la publication du rapport. Il sera jugé par un tribunal pénal pour «disparitions forcées, torture et obstruction à la justice». Toutefois, 20 autres mandats d’arrêts, dont 16 concernant des militaires, ont été annulés.
Le procureur chargé de l’affaire, Omar Gomez Trejo, vient de démissionner parce qu’il «n’a pas été d’accord avec les procédés mis en place pour approuver les mandats d’arrêt, il y a eu des différences par rapport à cela», a affirmé le président Obrador. Qui a tout de même tenu à se féliciter d’avoir rompu «le pacte du silence et de l’impunité».
Les disparitions forcées ont pris de l’ampleur au Mexique à partir des années 2000 dans un contexte de violence liée au trafic de drogue. Mais cette affaire reste encore floue. Notamment en ce qui concerne l’implication des militaires, et leurs liens présumés avec les cartels puissants dans cette région. Et ce, alors que les corps des 40 victimes n’ont toujours pas été retrouvés, empêchant les familles de commencer leur deuil.