Le Premier ministre canadien a annoncé lundi soir le recours exceptionnel à la loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin aux blocages «illégaux» des manifestants anti-mesures sanitaires en cours dans le pays depuis plus de deux semaines. Immédiatement entrée en vigueur, la loi s’applique en théorie à l’ensemble du pays. Mais Justin Trudeau a assuré qu’elle n’aurait un «impact concret» que dans les régions où cela est nécessaire, notamment en Ontario, province dans laquelle se trouve la capitale Ottawa, épicentre du mouvement de contestation canadien.
Une loi d’exception
Cet élan protestataire a émergé fin janvier, avec des camionneurs rejetant l’obligation d’être vacciné pour passer la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. Les revendications se sont finalement étendues à un refus de l’ensemble des mesures sanitaires et, pour de nombreux manifestants, à un rejet du gouvernement de Justin Trudeau.
La loi canadienne sur les mesures d’urgence peut être invoquée en cas de «crise nationale» et donne au pouvoir fédéral davantage de pouvoirs pour y mettre fin en lui permettant d’autoriser «à titre temporaire des mesures extraordinaires». «Le gouvernement peut réquisitionner des biens, des services, des personnes. Le gouvernement peut dire aux gens où aller, où ne pas aller. Il y a vraiment peu de limites à ce que peut faire le gouvernement», détaille Geneviève Tellier, professeure d’études politiques à l’université d’Ottawa.
Plusieurs Premiers ministres provinciaux ont pour leur part exprimé avant la prise de parole de Justin Trudeau leur opposition à la mise en place de cette disposition, qui correspond à un état d’urgence national.
Deuxième recours à la loi en temps de paix
Pas de quoi dissuader les manifestants pour autant. «Je veux maintenant m’adresser au Premier ministre : peu importe ce que vous faites, on ne lâchera rien», avait prévenu Tamara Lich, l’une des leaders du convoi dit «de la liberté», lors d’une conférence de presse tenue dans l’heure qui précédait l’annonce du gouvernement canadien.
La mobilisation canadienne, inédite, continue de faire des émules ailleurs dans le monde. Après des manifestations similaires en Australie et en Nouvelle-Zélande, des milliers de voitures et de camions en Israël ont rallié Jérusalem depuis plusieurs villes du pays. En Europe, après avoir convergé vers Paris samedi, une partie des convois d’opposants aux restrictions sanitaires, dits «de la liberté», sont arrivés à Bruxelles, où la manifestation a été interdite, tandis que la police a bloqué une trentaine de véhicules en amont.
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Pour rappel, c’est seulement la deuxième fois que cette loi exceptionnelle est activée au Canada en temps de paix, la dernière remontant à la crise de 1970, quand Pierre Elliott Trudeau, le père de l’actuel Premier ministre, était au pouvoir. Son gouvernement l’avait invoquée pour envoyer l’armée au Québec et prendre une série de mesures d’urgence après l’enlèvement par le Front de libération du Québec d’un attaché commercial britannique, James Richard Cross, et d’un ministre québécois, Pierre Laporte. Cross avait été libéré après des négociations, mais le ministre avait été retrouvé mort dans le coffre d’une voiture.