Pour Donald Trump, elle est «la jeune raciste à Atlanta» (elle est de couleur noire) ou la «marxiste démente» qui pratique la «chasse aux sorcières». Fani Willis, la procureure du comté de Fulton, en Géorgie, s’attire les foudres de l’ancien président depuis qu’elle a décidé de le poursuivre pour ses tentatives présumées d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection présidentielle de 2020 dans cet Etat du sud-est des Etats-Unis, où une victoire lui aurait permis de se maintenir au pouvoir. Ce mardi 15 août, après l’annonce de son inculpation, sa quatrième en moins de six mois, et de celle de 18 autres prévenus, le milliardaire est revenu à la charge, sur son réseau Truth Social. «Willis a stratégiquement mené son enquête dans l’objectif d’essayer d’interférer au maximum avec l’élection présidentielle de 2024 et de nuire à la campagne dominante de Trump. Toutes ces tentatives démocrates corrompues échoueront», a-t-il prévenu, partageant un message publié par son équipe de campagne.
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Il faut dire que tout, dans la méthode et l’attitude de Fani Willis, déplaît au républicain – sa décision d’inscrire les poursuites dans le cadre d’une loi sur la délinquance en bande organisée qui prévoit des peines allant jusqu’à vingt ans de prison ; son entêtement à obliger certains de ses proches, comme l’avocat et ancien maire de New York Rudy Giuliani, à témoigner devant la justice ; sa propension à parler de l’affaire à la presse… La quinquagénaire, née en 1971 en Californie mais élevée à Washington auprès d’un père célibataire lui-même avocat, n’avait pris ses fonctions que depuis quelques heures quand a été rendu public l’appel passé par Donald Trump au secrétaire d’Etat de Géorgie, Brad Raffensperger, lui intimant, le 2 janvier 2021, de lui «trouver» les près de 12 000 voix qui lui manquaient pour gagner l’élection. Un mois plus tard, le 10 février 2021, elle annonçait de premières poursuites judiciaires à l’encontre du leader républicain, dans ce qui constitue désormais le dossier prioritaire de son équipe, qui a enquêté deux années durant avant de prononcer une mise en examen.
Faire connaître «toute la vérité»
Avant cette affaire ultramédiatisée, Fani Willis avait déjà occupé ponctuellement le devant de la scène, du temps où elle travaillait dans le cabinet de son prédécesseur, Paul Howard. Son fait de gloire : avoir obtenu en 2015 la condamnation de 11 des 12 prévenus dans une affaire concernant un réseau d’enseignants coupables de tricheries organisées lors d’examens. Depuis sa promotion, elle a utilisé de manière récurrente la loi dite «Rico» contre le crime organisé, notamment contre des rappeurs célèbres comme Young Thug, ce qui lui vaut les critiques de défenseurs des droits humains, qui lui reprochent de «dramatiser» les procédures et d’alimenter le «narratif de la violence» à Atlanta. Elle se défend en martelant sa volonté de faire connaître «toute la vérité». Quant aux attaques répétées des trumpistes, elle appelle son personnel à ne pas y répondre publiquement. «Nous avons un travail à faire. Dans ce bureau, nous poursuivons sur la base des faits et de la loi. La loi est impartiale», a-t-elle évacué la semaine dernière, dans un mail professionnel dont le contenu a fuité dans la presse américaine.