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Justice

En Floride, peuples autochtones et associations écologistes tentent d’obtenir la fermeture définitive de la prison «Alligator Alcatraz»

Une juge fédérale a suspendu le jeudi 7 août pour quinze jours les travaux du centre pénitentiaire, inauguré dans la précipitation le 1er juillet. Les opposants, qui attendent la décision définitive, accusent le projet de violer le droit environnemental.
Vue aérienne de la prison «Alligator Alcatraz», sur le tarmac désaffecté d’un aéroport de Floride, encerclée de marécages. (Marco Bello/REUTERS)
publié le 11 août 2025 à 18h41

Un symbole de la politique ultrarépressive de Donald Trump, niché dans un écrin de nature protégée. C’est en Floride que s’est enracinée la prison «Alligator Alcatraz», sur le tarmac désaffecté d’un aéroport, encerclée de marécages – où pulluleraient pythons et crocodiles selon le président américain. Ces dangers ne sont que des chimères, assurent les tribus autochtones Miccosukee et Seminole. Ces deux peuples, qui vivent dans la région depuis plusieurs générations, s’opposent à ce projet qui empiète sur leurs terres et ont manifesté aux abords de la prison le 1er juillet, jour de son inauguration.

Parallèlement, une juge fédérale a suspendu jeudi 7 août, pour quinze jours, l’autorisation de construction de ce centre pénitentiaire à destination des migrants. Le 27 juin, une plainte d’associations de défense de l’environnement – les Amis des Everglades et le Centre pour la diversité biologique – avait été déposée après des autorités fédérales, alertant sur les dangers que représente une telle construction sur cette zone protégée. Les deux associations réclamaient l’interruption définitive de «la construction illégale d’une installation fédérale de détention de masse pour jusqu’à 5 000 détenus non-citoyens».

Cigogne des bois et panthère de Floride

Dans cette plainte, les opposants assurent que la prison «Alligator Alcatraz» violerait les lois de protections de l’environnement en s’installant dans «une zone protégée au niveau national et étatique […] qui sert d’habitat à des espèces menacées et en voie d’extinction comme la panthère de Floride, la chauve-souris à bonnet de Floride, le milan des Everglades, la cigogne des bois».

Ceux-ci déplorent que «la décision de construire un centre de détention et de déportation de masse de migrants sur ce site ait été prise sans effectuer d’évaluations environnementales» préalables et sans se conformer à la législation fédérale en vigueur, relative "aux espèces menacées", ou à «l’aménagement du territoire».

Pas d’alligators, mais des habitants

Au cœur de ce démêlé judiciaire, les tribus Miccosukee et Séminole tentent de faire entendre leur voix auprès d’une administration qui ne fait aucun cas d’eux depuis le début. Preuve en est, Donald Trump a dépeint la zone comme une nature en jachère, hostile et infestée de prédateurs – sans âme qui vive. Or, une quinzaine de villages de ces peuples autochtones maille le territoire, à la lisière d’Alcatraz. Auprès de Radio Canada, le secrétaire des Miccosukee, William Osceola, a souligné le 5 juillet que plusieurs de ces agglomérats d’habitations ne sont qu’à quelques kilomètres du centre pénitentiaire.

Deux terres que son peuple dédiait à des cérémonies rituelles ont déjà été encerclées de lourdes barrières, relève le secrétaire. Ces lieux servaient à la cueillette d’herbes médicinales, et fournissaient également les habitants en matériaux de construction - bois, feuilles. Le chef de la tribu Séminole abonde en ce sens, et a appelé dans un communiqué le 26 juin à «sauvegarder cette zone importante» pour «les générations futures». Ces diverses protestations sont parvenues à l’attention de la juge fédérale Kathleen Williams, qui a donc ordonné le jeudi 7 août la suspension des travaux pour quinze jours. Ce délai devrait permettre à la justice de déterminer si ce projet viole ou non les lois environnementales.

Ouvert le 1er juillet, le centre s’est construit dans la précipitation et des travaux restent à faire. Ainsi, le jour de son inauguration, le média CBS avait filmé des infiltrations d’eau dans les infrastructures, à suite à de fortes pluies. Et le 14 juillet, le New York Times révélait également les conditions de vie extrêmement insalubres des détenus – absence de sanitaires, surcharges des cellules, etc. Dans l’attente de la réponse de la justice, les activités pénitentiaires poursuivront leur cours.