Menu
Libération
Mise sous tutelle

Frappée au portefeuille, l’université Columbia accepte les réformes voulues par Trump

Pour garder ses 400 millions de dollars de subventions, l’université new-yorkaise cède au chantage et s’engage notamment à évaluer le travail du Centre d’études palestiniennes et de l’Institut d’études israéliennes et juives.
Des étudiants manifestent devant les marches de la Low Library de l'université de Columbia pour condamner la présence d'agents de l'Immigration Customs Enforcement (ICE) sur le campus et demander la libération de Mahmoud Khalil, à New York, aux États-Unis, le 11 mars 2025. (Dana Edwards/REUTERS)
publié le 22 mars 2025 à 15h04

Un établissement sous tutelle. L’université new-yorkaise Columbia a accepté vendredi 21 mars d’engager les réformes drastiques demandées par l’administration de Donald Trump, pour ne pas perdre ses 400 millions de dollars de subventions fédérales. Il s’agit d’une concession majeure pour la prestigieuse université, depuis plusieurs semaines sous le feu du président américain. La pression s’était accentuée ces derniers jours, depuis que la police fédérale de l’immigration a arrêté début mars et placé en détention, en vue de son expulsion, une figure des manifestations propalestiniennes sur le campus, Mahmoud Khalil.

L’accord est détaillé dans une lettre envoyée vendredi à l’administration du président républicain. L’université, qui n’évoque jamais la question financière dans sa lettre, se dit prête à revoir totalement sa gestion des mouvements de protestation étudiants, à formaliser une définition de l’antisémitisme ou encore à réformer les départements d’études sur le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Afrique, que le gouvernement souhaitait placer sous «tutelle académique».

En réponse aux reproches de Donald Trump de ne pas avoir assez protégé les étudiants juifs durant les manifestations étudiantes propalestiniennes de ces derniers mois, l’université envisage donc la création d’un nouveau service d’ordre, «36 agents spéciaux», formés à l’arrestation et l’expulsion des personnes. Le port du masque sera banni, sauf exceptions liées à des raisons sanitaires notamment. L’objet des réformes annoncées est que «chaque étudiant, professeur et membre du personnel se sente bienvenu et en sécurité sur notre campus», a justifié dans un communiqué la présidente par intérim de Columbia, Katrina Armstrong.

Mais la réforme menace aussi les libertés académiques des chercheurs. Columbia va nommer un vice-recteur en charge de superviser les départements sur le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Afrique. Il sera chargé de mener une «évaluation approfondie du portefeuille de programmes», en «commençant immédiatement avec le Moyen-Orient». En particulier, insiste Columbia, l’évaluation portera sur le Centre d’études palestiniennes et l’Institut d’études israéliennes et juives.

Cette réponse de l’établissement déçoit les universitaires. «Historiquement, il n’y a pas de précédent à cela», réagit le professeur Jonathan Zimmerman, historien de l’éducation à l’université de Pennsylvanie et «fier» d’être diplômé de Columbia. «Le gouvernement se sert de l’argent pour microgérer une université». Todd Wolfson, professeur à l’université Rutgers et président de l’Association américaine des professeurs d’université, a qualifié les demandes de l’administration Trump de la «plus grande incursion dans la liberté académique, la liberté d’expression et l’autonomie institutionnelle que nous ayons vue depuis l’ère McCarthy. […] Je sais que tous les membres du corps enseignant de ce pays sont en colère face à l’incapacité de l’université de Columbia à s’opposer à un tyran.»

Mohammad Hemeida, un étudiant de premier cycle qui préside le conseil d’administration des étudiants de Columbia, a déclaré que l’école aurait dû solliciter davantage l’avis des étudiants et des enseignants. «Il est incroyablement décevant que Columbia ait cédé à la pression du gouvernement au lieu de rester ferme sur ses engagements envers les étudiants et la liberté académique, qu’elle nous a rappelés dans des courriels presque quotidiens», a-t-il déclaré.

Le gouvernement américain n’a pas réagi publiquement en début de soirée vendredi, notamment pour dire si les termes sont suffisants pour lever les sanctions financières, mais c’est la première fois en plusieurs semaines de bras de fer que Columbia semble s’aligner sur la ligne de Donald Trump. Sa prise de position était scrutée par l’enseignement supérieur aux Etats-Unis, où les principales universités comme Harvard ou Stanford ont également été menacées par Donald Trump de subir les mêmes coupes claires et représailles si elles ne se conformaient pas à ses directives.