C’est l’une des plus importantes décisions dans la lutte contre les pratiques monopolistiques des entreprises de la tech aux Etats-Unis. Google a échappé mardi 2 septembre au soir à l’obligation de se séparer de son navigateur Chrome, réclamée par le gouvernement américain mais finalement rejetée par un juge de Washington.
En août 2024, le ministère de la Justice avait reconnu Google coupable d’avoir maintenu illégalement son monopole dans la recherche en ligne, grâce à des accords de distribution exclusive à plusieurs milliards de dollars par an avec les constructeurs de smartphones comme Apple ou Samsung.
Analyse
Il restait toutefois à connaître la peine de Google : le tribunal a imposé des exigences strictes à la firme sur le partage des données afin de rétablir l’équité dans la concurrence sur la recherche en ligne. Mais il ne l’oblige pas à céder son navigateur phare Chrome, comme exigé par le ministère américain de la Justice.
«La décision d’aujourd’hui reconnaît à quel point le secteur a changé avec l’avènement de l’IA, qui offre aux gens beaucoup plus de moyens de trouver de l’information», a déclaré Lee-Anne Mulholland, vice-présidente des affaires réglementaires de Google, invoquant une «compétition intense» désormais à l’œuvre. Google nourrit toutefois des «inquiétudes» sur l’obligation de partager ses données et de limiter la diffusion de ses services, craignant qu’elle n’affecte ses utilisateurs et leur vie privée.
«Extrêmement compliquée et très risquée»
Le gouvernement demandait au juge d’ordonner à Google de vendre Chrome, de partager certaines données avec des concurrents, de ne plus payer Apple et d’autres sociétés pour installer son moteur par défaut sur leurs appareils, et de limiter ses investissements dans d’autres entreprises d’IA.
Mais pour le juge, une vente de Chrome «serait extrêmement compliquée et très risquée», estimant que le ministère a outrepassé ses droits en la demandant. Le tribunal estime aussi qu’une interdiction des accords entre Google et les fabricants de téléphone n’était pas souhaitable, invoquant un risque important de répercussions «pour les partenaires de distribution, les marchés connexes et les consommateurs».
Dans la foulée, le cours d’Alphabet, maison mère de Google, augmentait de plus de 7 % dans les échanges électroniques après la fermeture de Wall Street mardi soir. Apple prenait plus de 3 %.
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En revanche, Google devra mettre à la disposition des «concurrents qualifiés» certaines données d’indexation de recherche et d’informations sur les interactions des utilisateurs pour que ses rivaux puissent améliorer leurs services. L’entreprise devra également distribuer des résultats de recherche à ses concurrents, jusqu’à cinq ans dans certains cas.
La décision aborde aussi de manière spécifique la menace émergente que représentent les chatbots d’intelligence artificielle générative tels que ChatGPT, en étendant les restrictions afin d’empêcher Google d’utiliser des accords exclusifs pour dominer le secteur.
Un comité technique supervisera la mise en œuvre des mesures correctives, qui prendront effet 60 jours après le prononcé du jugement définitif, censé être rendu plus tard, après un travail de concertation entre les parties d’ici au 10 septembre.
Large offensive politique
Google fait face à une autre affaire judiciaire, en Virginie, où une cour fédérale doit rendre sa décision finale concernant ses activités publicitaires : il y a quelques mois, un juge a statué que Google détenait en la matière un monopole illégal qui étouffait la concurrence.
Ces affaires s’inscrivent dans le cadre d’une offensive plus large du gouvernement, aussi bien sous l’administration démocrate de Joe Biden que celle des républicains de Donald Trump, contre les géants des technologies. Les Etats-Unis ont actuellement cinq affaires antitrust en cours contre de grandes entreprises technologiques. Outre l’affaire initiale sur Google et son navigateur, un dossier visant Meta a été engagé sous la première administration Trump en 2020.
L’administration Biden a maintenu ces poursuites tout en engageant de nouvelles affaires contre Apple et Amazon, ainsi que le dossier sur la publicité chez Google.