L’affaire est anecdotique mais révélatrice : le Guatemala n’est pas invité aux Jeux olympiques de Paris, auxquels ses athlètes participeront comme «indépendants», sans drapeau ni mention de leur nationalité. Le motif de la sanction est une ingérence du pouvoir politique dans les instances sportives : le président élu en 2022 par le comité olympique national avait été invalidé, puis remplacé par un proche du pouvoir.
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La corruption et le mépris des règles de la démocratie sont de vieilles habitudes dans le plus grand pays d’Amérique centrale (17 millions d’habitants). L’espoir de la population, c’est que tout change le 14 janvier. Le social-démocrate Bernardo Arévalo, élu en août, doit être investi président du Guatemala, succédant au conservateur Alejandro Giammattei. Mais cette passation fait l’objet d’une âpre bataille. Le pouvoir judiciaire, nommé par l’actuel président, multiplie les entraves pour tenter d’invalider le résultat des urnes, pourtant reconnu intègre par les observateurs internationaux.
Duo infernal à la manœuvre
Cette offensive, dénoncée par l’opposition comme un «coup d’Etat» en marche, vise à écarter l’élu du parti de centre gauche, Semilla, qui a promis un coup de balai anticorruption. Et une grande partie du personnel politique risque de devoir rendre des comptes. Un duo infernal est à la manœuvre : la procureure générale, Consuelo Porras, et le «procureur spécial contre l’impunité», Rafael Currichiche. Après avoir tenté en vain de déclarer hors la loi le parti Semilla, ils ont contesté le résultat du scrutin et ordonné la saisie des procès-verbaux de dépouillement. La fermeté du tribunal électoral les en a empêchés.
Début octobre, la société civile a lancé un mouvement de protestation qui dure encore. Ces manifestations et blocages de routes rappellent le printemps 2015, quand la mobilisation citoyenne avait contraint à la démission le président Otto Pérez Molina et la vice-présidente Roxana Baldetti, à la tête d’un réseau mafieux qui détournait les taxes douanières. Tous deux ont été condamnés depuis et sont en prison.
Résister aux pressions
L’enquête sur ces malversations avait été possible grâce à la Cicig, une commission supranationale créée sous l’égide de l’ONU pour épauler un système judiciaire trop fragile pour résister aux pressions du pouvoir. Quand le président suivant, Jimmy Morales, avait eu vent d’enquêtes sur son propre financement de campagne, il avait brutalement mis fin au mandat de la Cigig.
Réformer la justice, redistribuer la richesse en faveur des 60% des habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté, garantir les droits des communautés autochtones : la tâche qui attend le futur président est immense. Encore faut-il qu’il arrive à gouverner.