Menu
Libération
Economie

«Cela risque de poser des problèmes de santé publique majeurs» : Donald Trump annonce des nouveaux droits de douane, dont 100 % pour les médicaments importés

Les nouvelles mesures entreront en vigueur le 1er octobre. Le président américain a également annoncé des taxes de 25 % sur «tous les poids lourds fabriqués dans d’autres régions du monde», mais aussi sur de nombreux meubles.

Des camions transportant des conteneurs destinés à l'exportation au port de Miami, en Floride, le 7 août 2025. (Chandan Khanna/AFP)
ParArthur Louis
Journaliste - Actu
LIBERATION
AFP
Publié le 26/09/2025 à 8h17, mis à jour le 26/09/2025 à 17h50

Donald Trump lance une nouvelle salve de droits de douane, et veut s’en prendre aux secteurs jusqu’ici épargnés. A partir du 1er octobre, une taxe de 100 % sera appliquée «sur tout produit pharmaceutique de marque ou breveté, sauf si une entreprise construit son usine en Amérique», a indiqué jeudi le milliardaire républicain sur sa plateforme, Truth Social. Si la définition de ces médicaments «reste floue», souligne Michael Wan, économiste pour la banque japonaise MUFG à Singapour interrogé par l’AFP, «nous partons du principe que cela n’inclura pas les médicaments génériques expédiés par des pays comme l’Inde, qui pourrait donc être épargnée par ces annonces».

Le pays d’Asie du Sud est en effet le premier producteur mondial de génériques, or «le problème que vont rencontrer les Etats-Unis, c’est que le prix des médicaments va forcément augmenter et que cela risque de poser des problèmes de santé publique majeurs», expose l’économiste de la santé, Nathalie Coutinet. D’autant plus que «certains des pays qui sont touchés par les droits de douane peuvent réorienter leurs exportations vers d’autres pays émergents du point de vue des marchés pharmaceutiques». «Il faut donc que Trump trouve un plan B» en épargnant l’Inde et ses médicaments génériques, poursuit-elle.

L’industrie pharmaceutique européenne en première ligne

L’Australie qui a exporté des produits pharmaceutiques d’une valeur estimée à 1,35 milliard de dollars vers les Etats-Unis en 2024, a vivement réagi à la décision américaine. «Nous achetons beaucoup plus de produits pharmaceutiques des Etats-Unis que ce qu’ils achètent chez nous… Ce n’est pas dans l’intérêt des consommateurs américains d’imposer un prix plus élevé sur l’exportation de l’Australie vers l’Amérique», a dit vendredi le ministre australien de la Santé, Mark Butler.

Mais selon Nathalie Coutinet, c’est l’industrie européenne qui est dans le viseur du milliardaire : «La balance commerciale des Etats-Unis est déficitaire sur les médicaments avec l’Europe. Ce sont donc les pays producteurs comme la Suisse, l’Allemagne, la Belgique, la France et l’Italie qui sont visés». La fédération européenne des industries pharmaceutiques (Efpia) a d’ailleurs estimé que ces nouveaux droits de douane «créeraient la pire des situations», rappelant que ces taxes «augmentent les coûts, perturbent les chaînes d’approvisionnement et empêchent les patients d’obtenir des traitements vitaux».

«La mesure aura un effet modeste» en France

S’il ne fait pas de doute que l’industrie européenne du médicament pâtira de la décision du président américain comme le craint l’Efpia, «à ce stade il est encore difficile de mesurer les répercussions qu’aura cette décision» en Europe, explique Nathalie Coutinet. L’enseignante-chercheuse à l’université Sorbonne-Paris-Nord, tempère toutefois : «En France, des industriels vont être affectés, mais notre rang parmi les pays producteurs a beaucoup reculé donc la mesure aura un effet plus modeste que dans d’autres pays européens comme la Suisse.»

«La question pour les pays touchés c’est “est-ce qu’il est possible de réorienter le sommet vers d’autres marchés ?”» ajoute-t-elle. Car selon l’économiste, la demande croissante en médicaments dans de nouvelles régions pourrait pallier les prochaines difficultés à exporter outre-Atlantique. Les industriels européens pourraient ainsi se détourner des Etats-Unis pour s’orienter vers «la Chine ou le Moyen-Orient, le Maghreb ou l’Amérique latine». Ces marchés «ne sont pas aussi solvables que les marchés américains, mais ce sont quand même des débouchés potentiels», souligne Nathalie Coutinet.

Les poids lourds également dans le viseur de Trump

Dans une publication distincte, le locataire de la Maison Blanche a également annoncé des droits de douane de 25 % sur «tous les poids lourds fabriqués dans d’autres régions du monde». Une mesure qui doit selon lui soutenir les fabricants américains de camions tels que «Peterbilt, Kenworth, Freightliner, Mack Trucks et autres». Parmi les entreprises étrangères qui concurrencent ces constructeurs sur le marché américain figurent le suédois Volvo et l’allemand Daimler. Les titres des deux sociétés ont fortement baissé après la clôture des Bourses européennes jeudi soir.

Le Président a ensuite expliqué que ces droits de douane sur les poids lourds étaient motivés par «de nombreuses raisons, mais surtout, des fins de sécurité nationale». Au printemps, l’administration Trump avait lancé une enquête pour déterminer si les importations de camions étrangers constituaient une menace en la matière.

Craintes d’inflation

Le magnat de l’immobilier compte aussi imposer des droits de douane sur de nombreux meubles. «Nous appliquerons une taxe de 50 % sur tous les meubles de cuisine, les lavabos de salle de bains et les produits associés», à partir du 1er octobre, et «une taxe de 30 % sur les meubles capitonnés», a-t-il écrit.

Selon la Commission du commerce international des Etats-Unis, en 2022, les importations, principalement en provenance d’Asie, représentaient 60 % de tous les meubles vendus, dont 86 % de tous les meubles en bois et 42 % de tous les meubles rembourrés. Les titres des détaillants Wayfair et Williams Sonoma, qui dépendent de ces produits importés, ont chuté à la clôture des Bourses après cette annonce.

Alors que Donald Trump s’est donné pour mission de relancer l’industrie manufacturière grâce à des politiques protectionnistes, qui marquent un revirement complet de la politique américaine visant jusqu’à présent à maintenir une économie ouverte, cette nouvelle offensive tarifaire ravive les craintes d’inflation aux Etats-Unis, première économie du monde.

Mise à jour à 17 h 50 avec plus de contexte.