Haïti s’enfonce dans la tourmente. La situation est toujours «explosive et tendue» à Port-au-Prince, a affirmé vendredi 15 mars le bureau des opérations humanitaires de l’ONU (Ocha), alors que les Haïtiens attendent la nomination d’autorités de transition après la démission du Premier ministre contesté. L’espoir que le pays ravagé par les gangs puisse s’engager sur la voie de la stabilité reste ténu.
Après quelques jours d’une relative accalmie, des violences ont été enregistrées dans la capitale, à 80 % aux mains de bandes armées. Sur deux routes principales du centre-ville, des habitants ont érigé des barricades pour tenter de se protéger des attaques de gangs mais aussi en signe de protestation. La population critique aussi l’éventuelle instauration d’un conseil présidentiel de transition, soutenue par la Communauté des Caraïbes (Caricom), l’ONU et les Etats-Unis.
Fermeture des hôpitaux
Le couvre-feu nocturne a été prolongé jusqu’à dimanche dans le département de l’Ouest, englobant Port-au-Prince, selon le bureau du Premier ministre qui s’occupe des affaires courantes. De son côté, l’Association médicale haïtienne a dit sa «consternation» face à «la fermeture forcée d’hôpitaux» et aux «actes de violences physiques sur le personnel soignant».
Lundi, le Premier ministre, Ariel Henry, dont le mandat a été marqué par une montée en puissance des gangs et qui avait été nommé quelques jours avant l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, a annoncé qu’il démissionnait. La nouvelle est intervenue en pleine réunion d’urgence de la Communauté des Caraïbes avec des représentants haïtiens, l’ONU et plusieurs pays, dont les Etats-Unis. Ces groupes ont chargé des formations haïtiennes de mettre sur pied un conseil présidentiel de transition. Plusieurs des partis choisis ont soumis le nom de leur représentant à la Caricom.
Dans un premier temps, les membres du collectif du 21 décembre, le groupe qui a soutenu Ariel Henry, n’ont pas pu se mettre d’accord sur un représentant unique et en ont désigné trois. Ils sont actuellement en pourparlers pour trouver un candidat de consensus, selon des sources proches des négociations.
Reportage
44 % de la population en insécurité alimentaire aiguë
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s’est dit vendredi confiant dans le fait que le conseil de transition pourrait émerger «dans les jours à venir». Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lui, «veut que toutes les parties prenantes haïtiennes mettent de côté leurs divergences» pour faire avancer la mise en place des autorités provisoires, selon son porte-parole, Stéphane Dujarric.
Concrètement, le conseil présidentiel de transition doit être composé de sept membres représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé. Il doit choisir un Premier ministre intérimaire et nommer un gouvernement «inclusif». En seront exclues les personnes inculpées ou condamnées par la justice, sous le coup de sanctions de l’ONU, comptant se présenter aux prochaines élections en Haïti et /ou s’opposant à la résolution onusienne sur le déploiement d’une mission multinationale d’appui à la sécurité. Le Kenya, qui doit déployer un millier de policiers dans le cadre de cette mission, a annoncé suspendre l’envoi de ses hommes, mais a assuré qu’il interviendrait une fois un conseil présidentiel installé.
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D’après le Programme alimentaire mondial, 44 % de la population haïtienne se trouve dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë. Les Nations unies ont déclaré qu’elles allaient mettre en place un «pont aérien» entre Haïti et la République dominicaine voisine pour permettre «la fluidité de l’aide humanitaire». Les Etats-Unis ont également annoncé une aide humanitaire à hauteur de 25 millions de dollars.