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Libération
Lueur d'espoir

Haïti : la transition se met lentement en place

L’accord sur la nomination d’un conseil de neuf personnalités pour pacifier le pays et organiser des élections a été signé. Mais la nouvelle instance ne pourra accomplir son travail qu’après une reprise en main des territoires contrôlés par les gangs criminels.
La police nationale en patrouille à Port-au-Prince, le 8 avril. (Odelyn Joseph/AP)
publié le 9 avril 2024 à 18h17

Il a fallu un mois pour que les responsables politiques haïtiens se mettent d’accord sur la formation d’un conseil de transition présidentiel, qui sera chargé de restaurer l’ordre dans le pays, en proie à la violence des gangs. Cette instance de neuf membres, sept votants et deux observateurs, intégrera des représentants des principaux partis, ainsi que du monde de l’entreprise et de la société civile. Son mandat prendra fin «le 7 février 2026», après l’élection d’un nouveau président, annonce le texte qui donne naissance à ce conseil.

L‘accord écrit a été transmis à la Communauté des Caraïbes (Caricom), organisme qui avait organisé en Jamaïque un sommet régional pour trouver une issue à la crise politique et sécuritaire. La première mission du conseil sera de nommer un remplaçant au Premier ministre Ariel Henry, contraint à la démission le 11 mars, alors qu’il était empêché de rentrer dans le pays.

Une seule femme au conseil

La liste des neuf membres du conseil circule depuis plusieurs jours dans les médias haïtiens. Les sept représentants avec un droit de vote sont six dirigeants politiques et le délégué du monde des affaires, Laurent Saint-Cyr, président de la Chambre de commerce américaine à Haïti (AmCham). Fanmi Lavalas, le parti de l’ancien président de gauche Jean-Bertrand Aristide, est présent. Deux membres observateurs siégeront au nom de la société civile. Une seule femme, l’agronome Régine Abraham, figure dans ce conseil, dont la composition ne sera officielle qu’après publication dans le Moniteur, le journal officiel.

Le nouveau chef du gouvernement, qui sera de fait le chef de l’Etat en l’absence de tout président élu, désignera un cabinet de ministres qui devra conduire Haïti vers des «élections démocratiques, libres et crédibles», selon l’accord qui précise qu’aucun des membres du conseil ou du gouvernement ne pourra se présenter à ce scrutin. Haïti n’a plus de président depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en 2021, et pas de Parlement en exercice non plus. Les dernières législatives ont eu lieu en 2016.

Ce nouveau conseil souhaite s’installer au sein du Palais national, mais le pourra-t-il ? Le bâtiment, en partie en ruines après le séisme de 2010, se situe sur le Champ de Mars, en plein cœur de la capitale Port-au-Prince, une zone attaquée à plusieurs reprises ces dernières semaines par les gangs qui règnent sur une partie du pays. Pour rétablir l’ordre, le pays a besoin d’une force multinationale capable d’épauler la police locale, débordée sur le plan des effectifs, des véhicules et de l’armement par les groupes criminels. Mais aucun calendrier n’a été fixé pour l’envoi d’un contingent de policiers kényans, en raison de fortes contestations dans le pays africain.

Une grave crise alimentaire et sanitaire

Fin février, les gangs haïtiens se sont associés pour attaquer les postes de police, les prisons, l’aéroport et le port dans le but d’évincer Ariel Henry, en profitant dès son déplacement au Kenya, où il était parti négocier la participation de Nairobi à une mission de sécurité en Haïti soutenue par les Nations unies. Le Premier ministre n’a pas pu rentrer à Port-au-Prince en raison de la fermeture de l’aéroport de la capitale, et se trouve aujourd’hui en exil à Porto Rico.

Les gangs, qui contrôlent 80 % de la capitale et les principaux axes routiers, rackettent les approvisionnements en carburants et en nourriture. Privée de nombreux produits de base, la population se retrouve plongée dans une grave crise alimentaire et sanitaire. Plus de 50 000 personnes ont fui au mois de mars la zone métropolitaine de Port-au-Prince, d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), et ont grossi les rangs des populations déplacées et précarisées par la violence.

Remédier à cette situation, rétablir l’ordre grâce à une encore hypothétique force internationale, et créer les conditions de futures élections, tout ceci en moins de deux ans : les tâches du nouveau conseil de transition, dont la date d’entrée en action n’est toujours pas fixée, apparaissent titanesques.