Comme un air de déjà-vu. Dans une allocution prononcée vendredi 31 mai depuis la Maison Blanche, le président américain Joe Biden – qui ne s’était pas exprimé depuis l’intensification de l’offensive israélienne à Rafah – a déclaré qu’Israël avait proposé un nouvel accord «global» de trêve en trois phases, alors que les négociations diplomatiques pour y aboutir s’enlisent depuis des mois. Ce plan comprendrait le retrait de toutes ses forces du territoire palestinien pour six semaines, un cessez-le-feu complet et l’échange de personnes âgées et de femmes otages détenues par le Hamas en échange de la libération de centaines de détenus palestiniens.
«A ce stade, le Hamas n’est plus capable d’organiser un autre 7 Octobre. Il est temps que cette guerre se termine et que le lendemain commence, a déclaré le chef de l’Etat, exhortant le mouvement islamiste à «accepter l’accord». C’est vraiment un moment décisif. Le Hamas dit vouloir un cessez-le-feu. Cet accord est l’occasion de prouver s’ils le pensent vraiment.»
Moment choisi
La proposition, que Joe Biden a approuvée, a été transmise aux dirigeants du Hamas par les négociateurs qataris. Le mouvement islamiste palestinien l’a jugée tard vendredi soir «positive». «Le Hamas considère positivement ce qui a été inclus aujourd’hui dans le discours du président américain Joe Biden aujourd’hui quant à un cessez-le-feu permanent, le retrait des forces israéliennes de Gaza, la reconstruction et l’échange de prisonniers», a indiqué le mouvement islamiste palestinien dans un communiqué.
Le 6 mai dernier, le Hamas avait accepté une proposition similaire mais qu’Israël avait rejetée. Etait alors évoquée une trêve en trois phases, chacune d’une durée de quarante-deux jours, incluant également un retrait israélien complet de la bande de Gaza, un échange d’otages toujours retenus à Gaza et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, dans le but d’un «cessez-le-feu permanent». Mais aussi le retour des déplacés du sud vers le nord de la bande Gaza, qui ne semble ici pas évoqué.
Le chef de l’Etat américain n’a pas choisi n’importe quel moment pour prononcer cette allocution. Il l’a fait alors que le shabbat commençait en Israël, rendant une réplique immédiate du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, compliquée. Une manière de mettre indirectement la pression à son allié, alors que Joe Biden a menacé de remettre en cause son soutien à Israël, notamment la livraison d’armes, en cas d’opération de grande ampleur à Rafah, ville du sud de la bande de Gaza où sont réfugiés la majorité des 2,4 millions d’habitants de l’enclave palestinienne. Une heure après cette annonce, Israël a néanmoins répété que la guerre «ne cessera pas» sans l’anéantissement militaire du Hamas, son objectif ultime depuis le début.
La conférence de presse de Joe Biden était également organisée deux heures à peine après celle de son probable rival à la présidentielle du 5 novembre, Donald Trump, qui annonçait depuis New York «faire appel de cette arnaque», en l’occurrence sa condamnation la veille de l’ensemble des chefs d’accusation qui pesaient contre lui dans son procès pénal, le premier d’un ex-président américain. D’un côté, un président responsable, tentant de résoudre et mettre fin à une guerre de près de huit mois, de l’autre, un milliardaire confus déblatérant pendant plus de trente minutes sur Joe Biden et sa «bande», accusés d’être des «malades» et des «fascistes» responsables de ses déboires judiciaires…
Paris essaye de prendre la main
Sur le continent européen, qui semble absent depuis le début des négociations de cessez-le-feu, Paris essaye de prendre la main. Le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, a rencontré vendredi 24 mai le Premier ministre du Qatar et les ministres des Affaires étrangères saoudien, égyptien et jordanien pour évoquer la situation à Gaza et la mise en œuvre de la «solution des deux Etats» entre Israéliens et Palestiniens. Une nouvelle rencontre est prévue la semaine prochaine, cette fois-ci entre Etats européens, pour lancer un groupe de «convergence euro-arabe sur les conditions du jour d’après à Gaza». Avec en ligne de mire la sécurisation de la bande de Gaza et les conditions d’une stabilisation.
Analyse
L’attaque du Hamas du 7 Octobre en Israël a entraîné la mort de plus de 1 189 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte réalisé par l’AFP à partir des dernières données officielles disponibles. Sur les 252 personnes emmenées comme otages pendant l’attaque, 121 sont toujours retenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l’armée.
En représailles, l’Etat hébreu a juré d’anéantir le Hamas et a lancé une offensive qui a fait jusqu’à présent 36 224 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé de l’administration du mouvement islamiste, au pouvoir dans l’enclave.
Mise à jour à 23 h 20, ajout de la réaction du mouvement islamiste Hamas.