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Résistance

Harvard : après avoir coupé plus de 2 milliards de subventions à l’université, Trump menace de lui retirer ses avantages fiscaux

Contrairement à l’université new-yorkaise Columbia, la prestigieuse Harvard située dans l’agglomération de Boston, a finalement décidé de résister à la pression de l’administration Trump. Selon elle, les réformes qu’elle exige «empiètent sur des libertés universitaires garanties depuis longtemps par la Cour suprême».
Des manifestants appelant la direction de Harvard à résister à l'ingérence du gouvernement fédéral dans l'université à Cambridge, Massachusetts, États-Unis, le 12 avril 2025. (Nicholas Pfosi/REUTERS)
publié le 15 avril 2025 à 7h46
(mis à jour le 15 avril 2025 à 16h41)

L’administration Trump a annoncé lundi le gel de 2,2 milliards de dollars de subventions à l’université Harvard, l’une des plus prestigieuses au monde, après son refus de se plier aux exigences de la Maison Blanche. Harvard, comme d’autres universités américaines, a été le théâtre d’une mobilisation étudiante contre la guerre menée par Israël à Gaza, et ciblée par la Maison Blanche depuis le retour au pouvoir de Donald Trump. Lequel a, dans un second temps ce mardi 15 avril, menacé l’institution de lui retirer ses importants avantages fiscaux. «Peut-être que Harvard devrait perdre son exemption fiscale et être imposée comme une entité politique, si elle continue de défendre sa» folie» politique, idéologique, inspirée par /soutenant le terrorisme», a écrit le président américain sur son réseau Truth Social

Dans la soirée, la porte-parole de la Maison blanche a ajouté que Donald Trump «veut voir Harvard s’excuser. Et Harvard doit s’excuser pour l’antisémitisme flagrant qui s’est produit sur son campus», a déclaré Karoline Leavitt.

«La Task Force conjointe de lutte contre l’antisémitisme annonce le gel de 2,2 milliards de dollars de subventions sur plusieurs années», détaille un communiqué du ministère de l’Education américain, ainsi que celui de «contrats pluriannuels d’une valeur de 60 millions de dollars». «La perturbation de l’apprentissage qui a frappé les campus ces dernières années est inacceptable. Le harcèlement des étudiants juifs est intolérable. […] Il est temps que les universités d’élite prennent le problème au sérieux et s’engagent à apporter des changements significatifs si elles veulent continuer à bénéficier du soutien des contribuables», peut-on lire dans le communiqué.

Le gouvernement américain avait annoncé fin mars qu’il envisageait de priver la prestigieuse université d’environ 9 milliards de dollars de subventions fédérales à l’issue d’un «examen complet», l’accusant de laisser prospérer l’«antisémitisme» sur son campus. Début avril, il avait transmis plusieurs exigences à la direction de l’université, notamment la fin des politiques visant à favoriser la diversité et des changements dans les programmes qui «alimentent le harcèlement antisémite», selon un courrier publié par le Washington Post.

Les subventions représentent 11 % de ses revenus

Dans une lettre adressée aux étudiants et au corps enseignant, le président de l’université, Alan Garber, a assuré plus tôt lundi qu’Harvard «n’abdiquera pas son indépendance ni ses droits garantis par la Constitution». «Aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne doit dicter aux universités privées ce qu’elles doivent enseigner, qui elles peuvent enrôler et embaucher, ni sur quelles matières elles peuvent mener des recherches», a-t-il écrit.

L’administration Trump avait notamment réclamé à Harvard un «audit» des opinions des étudiants et du corps enseignant, ce à quoi l’institution avait répondu dans une lettre signée par ses avocats : «Harvard n’est pas prête à accepter des exigences qui vont au-delà de l’autorité légitime de cette administration ou d’aucune autre.» Selon eux, les exigences l’administration sont «en contradiction avec le premier amendement» et «empiètent sur des libertés universitaires garanties depuis longtemps par la Cour suprême». Le premier amendement de la Constitution américaine garantit les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression.

Les subventions fédérales représentent 11 % des revenus d’Harvard, sur un budget annuel de 6,4 milliards de dollars, selon les données publiées par cette université privée installée à Cambridge, près de Boston, dans le nord-est des Etats-Unis.

Columbia a cédé à Trump

Le gouvernement a déjà coupé, pour les mêmes motifs, 400 millions de dollars de subventions à une autre prestigieuse université, celle de Columbia à New York, qui, contrairement à Harvard, a engagé ces dernières semaines des réformes drastiques demandées par l’administration pour tenter de récupérer ces fonds. L’institution new yorkaise s’est dite prête à totalement revoir sa gestion des mouvements de protestation étudiants, à formaliser une définition de l’antisémitisme ou encore à réformer les départements d’études sur le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Afrique, que l’administration Trump souhaitait placer «sous tutelle académique».

Columbia a également fait savoir qu’elle allait se doter d’un nouveau service d’ordre, en embauchant «36 agents spéciaux» en cours de formation qui auront la possibilité d’«arrêter» des personnes ou de les expulser du campus, devenu depuis plus d’un an l’épicentre universitaire des manifestations en faveur de la Palestine, quand cela sera jugé «approprié».

Plusieurs étudiants ayant manifesté lors de mobilisation pro-palestiniennes et détenteurs d’un visa ou d’une «carte verte» de résident permanent ont récemment été arrêtés aux Etats-Unis. Dernière interpellation en date : celle de Mohsen Mahdawi, étudiant à l’université de Columbia et né dans un camp de réfugiés palestiniens en Cisjordanie occupée par Israël, arrêté lundi par des agents de l’immigration dans un bureau où il était venu passer un entretien en vue de sa naturalisation.

Il avait co-fondé un groupe d’étudiants palestiniens à Columbia avec Mahmoud Khalil, figure de la mobilisation étudiante pro-palestinienne aux Etats-Unis, que l’administration Trump tente d’expulser depuis son arrestation le 8 mars.

Mise à jour : à 21h04, avec l’ajout de la déclaration de la porte-parole de la Maison blanche.