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Colère

Hausse du prix d’Internet à Cuba, une nouvelle privation pour la jeunesse à bout

Les tarifs d’accès au web sur l’île ont bondi, alors que le peu de connexion disponible est déjà très limité. Les milieux étudiants ont appelé à la grève, eux qui avaient justement utilisé les réseaux sociaux pour se mobiliser en 2021.
Depuis le 30 mais à Cuba, six gigas d'Internet pour un mois sont facturés 80 centimes d'euros, et 7 euros – la moitié du salaire moyen mensuel dans le pays – pour 3 GB supplémentaires. (Norlys Perez/Reuters)
publié le 5 juin 2025 à 19h42
(mis à jour le 6 juin 2025 à 18h41)

Six, c’est le nombre de gigabits (GB) auxquels ont droit les Cubains chaque mois sur leur téléphone. Pour cela, ils doivent débourser l’équivalent de 80 centimes d’euro selon le taux de change informel. Or, avec 6GB d’internet, on peut regarder 6 heures consécutives de vidéo en haute définition en ligne. Pour un mois, ça fait peu. Sauf que pour acheter toute extension de forfait de 3GB supplémentaire, il faut désormais payer 9 dollars américains, l’équivalent de 7 euros par tranche de 3GB. Une somme qui représente plus de la moitié du salaire moyen mensuel dans le pays (environ 13€). Cette augmentation brutale du prix des forfaits internet a pris effet le 30 mai.

Dans une allocution télévisée aux Cubains ce vendredi 6 juin, le président cubain Miguel Díaz-Canel a reconnu que le gouvernement ne «voulait pas de cette mesure, mais elle devait être prise». Selon lui, l’entreprise de télécommunications Etecsa manque de dollars américains, des devises étrangères dont elle a besoin selon lui pour financer les réparations et l’entretien des infrastructures. Miguel Díaz-Canel a toutefois reconnu des «erreurs de conception et de communication» dans la mise en place des nouveaux tarifs. Cela n’a pas apaisé la colère de la population cubaine, et en particulier de la jeunesse, déjà privée d’à peu près tout. Elle s’est mobilisée lors d’une grève inédite mercredi.

Appel à la grève étudiante

Dans un pays où l’université consacre le plus grand nombre de ses professeurs à l’enseignement du «marxisme-léninisme», le gouvernement est soucieux de garder un certain contrôle sur les jeunes esprits. La société nationale Etecsa a donc fait quelques concessions pour permettre aux étudiants d’augmenter légèrement le taux d’internet à un prix encadré. Insuffisant pour la fédération étudiante de médecine de l’Université de la Havane, qui a appelé à la grève des cours mercredi. Une initiative saluée par les fédérations d’histoire, philosophie, ainsi que les professeurs de la faculté de sociologie, mais pas explicitement suivie.

Aucun journaliste n’était sur place pour constater le suivi de la grève, mais d’après les étudiants cubains contactés par l’AFP, les amphithéâtres étaient presque déserts. Soucieuse d’endiguer la contestation, la direction de l’université a minimisé le mouvement : «Rien ni personne n’a interrompu les processus d’enseignement», a-t-elle affirmé par communiqué ce mercredi.

Cette mobilisation d’ampleur est la première depuis les manifestations contre le régime Castriste qui avaient éclaté en juillet 2021, notamment à cause des fortes pénuries. Déjà, les étudiants étaient au cœur d’une mobilisation née du partage via les réseaux sociaux d’un clip de rap contestataire. Accéder à Internet, désormais pratiquement un luxe, avait été essentiel pour organiser la contestation.

Pénuries perpétuelles

Cette hausse du prix met le feu aux poudres alors que les Cubains sont déjà confrontés à des pénuries perpétuelles d’eau, de transport et de nourriture et à des pannes d’électricité systématiques. «Dans un pays où la propagande officielle continue d’être étouffante et où le régime tente de contrôler chaque recoin de la vie quotidienne, l’accès au web est devenu une échappatoire face à la crise», note la journaliste indépendante Yoani Sánchez.

A cela s’ajoutent des perspectives professionnelles bouchées pour les jeunes adultes. Une situation qui conduit nombre d’entre eux à quitter le pays. Depuis l’année 2021, Cuba connaît sa période d’exode la plus massive depuis la révolution de 1959. Entre août 2021 et octobre 2024, près de 750 000 Cubains ont rejoint les Etats-Unis. Une fuite qui renforce le marasme économique du pays.

Mis à jour le vendredi 6 juin à 18 h 30, avec les déclarations du président cubain.