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Immigration : l’administration Trump reconnaît une «erreur» après l’expulsion d’un résident légal vers une prison du Salvador

Bien qu’interdit d’expulsion au risque de représailles dans son pays, le Salvadorien Abrego Garcia a été rapatrié le mois dernier et emprisonné. Le gouvernement américain dit ne plus pouvoir obtenir sa libération.
Des policiers salvadoriens dans le Centre de confinement du terrorisme (Cecot), au Salvador, avec des prisonniers récemment expulsés des Etats-Unis, le 16 mars 2025. (Secretaria de Prensa de la Presidencia/via REUTERS)
publié le 1er avril 2025 à 21h37

La politique migratoire du tribun américain de nouveau sous le feu des critiques. Un Salvadorien vivant légalement aux Etats-Unis, dans le Maryland a été expulsé vers son pays natal et emprisonné, le 15 mars, en raison d’une «erreur administrative», ont reconnu lundi 31 mars des responsables de l’administration Trump dans un document judiciaire. L’homme, du nom d’Abrego Garcia, possédait pourtant un statut juridique protégé depuis octobre 2019, et vivait avec sa femme et son enfant de 5 ans, tous deux citoyens américains. Les avocats du pouvoir exécutif américain disent ne pas pouvoir obtenir sa libération, le Salvadorien ne se trouvant plus sur le territoire américain.

D’après les informations du New York Times, Abrego Garcia a été interpellé par des agents de l’immigration le 12 mars, lui annonçant, à tort, un changement de statut. Ce dernier bénéficie d’une «retenue à l’expulsion», un statut aux règles paradoxales : même s’il fait bien l’objet d’une obligation à quitter le territoire américain, il était autorisé à y rester en raison des risques qu’il encourait dans son pays d’origine. Il l’avait obtenu en 2019, après avoir été accusé de faire partie d’un groupe mafieux. Abrego Garcia avait finalement été blanchi par la justice américaine.

Prison pour terroristes

Qu’importe pour les services de l’Etat : trois jours plus tard, l’homme est placé sur l’un des trois vols à destination du Salvador. Si deux des avions ont décollé en vertu de la loi, le troisième – celui à bord duquel étaiit Abrego Garcia – était censé transporter uniquement des migrants munis d’un ordre d’expulsion officiel signé par un juge, selon le New York Times. Ce qui n’était pas le cas du Salvadorien. L’homme est désormais détenu dans le gigantesque Centre de confinement du terrorisme, une méga-prison salvadorienne connue sous le nom de Cecot, pierre angulaire d’un système particulièrement répressif.

Cette expulsion involontaire est le dernier rebondissement de la politique d’immigration lancée par Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche. Au moment du renvoi d’Abrego Garcia vers le Salvador, l’administration Trump intensifiait à la hâte ses efforts d’expulsion en exhumant une loi de 1798 rarement invoquée, connue sous le nom d’Alien Enemies Act, afin de chasser des dizaines d’immigrants vénézuéliens accusés d’être membres du gang de rue baptisé Tren de Aragua. Les immigrés sans papiers sont eux aussi visés par le pouvoir exécutif, accusés d’être des criminels affiliés à des gangs de malfaiteurs.

Renvoi d’étrangers sans lien avec le crime organisé

Mais des mouvements de défense des sans-papiers, des démocrates et même désormais des défenseurs du président républicain estiment que le coup de filet s’en prend à des personnes sans lien avec le crime organisé. D’autres cas potentiellement similaires à celui d’Abrego Garcia ont été soulevés par la presse américaine, des avocats affirmant que leurs clients n’ont été ciblés qu’à cause de leurs tatouages, un signe souvent distinctif des mafias d’Amérique centrale.

L’animateur Joe Rogan, qui avait apporté son soutien sur son podcast très écouté à Donald Trump en fin de campagne électorale l’an dernier, s’est alarmé de l’expulsion d’un coiffeur homosexuel. «On ne peut qu’être effrayé de voir que des gens qui ne sont pas des criminels sont pris dans la nasse et expulsés vers des prisons au Salvador», a-t-il déclaré samedi. «Expulsons les gangsters, tout le monde est d’accord. Mais ne laissons pas d’innocents coiffeurs gays embarquer avec les gangs», a-t-il plaidé. Le vice-président américain J.D. Vance a assuré de son côté qu’Abrego Garcia était bel et bien membre de la mafia salvadorienne MS-13. «Les médias ont décidé que les vraies victimes sont les gangsters que nous essayons d’expulser du pays», a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.

Ne pas faire obstacle

Lors d’un point de presse à la Maison Blanche ce mardi, Karoline Leavitt, porte-parole de Donald Trump, a également défendu l’expulsion du Salvadorien, déclarant aux journalistes que le gouvernement avait des preuves qu’il était un membre condamné du gang de rue salvadorien MS-13, bien qu’il n’ait jamais été jugé en ce sens.

La femme et les proches d’Abrego Garcia ont tenté de le faire rapatrier, en intentant une action civile en son nom contre l’administration Trump. Ils réclamaient au gouvernement américain de suspendre ses paiements au Salvador pour demander, en contrepartie, le retour du Salvadorien aux Etats-Unis. Mais dans le dossier judiciaire consulté par le New York Times, l’exécutif a refusé cette demande, affirmant que les tribunaux américains n’avaient pas compétence pour ordonner de telles actions. Et que même si la situation d’Abrego Garcia est «difficile», elle ne doit pas faire obstacle à la politique migratoire délirante de Donald Trump.