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Mensonge

Incendies en Californie : Trump s’en prend au gouverneur démocrate, accusé de «protéger un poisson sans valeur»

Le futur président des Etats-Unis accuse Gavin Newsom d’être responsable des incendies qui ravagent actuellement l’ouest américain, ayant notamment selon lui choisit de protéger un poisson aux dépens de la population.

Donald Trump à Washington, le 8 janvier. (Jeenah Moon/REUTERS)
Publié le 09/01/2025 à 15h02

Et comme à son habitude, Donald Trump a privilégié l’outrance, la provocation et le mensonge à la compassion. Alors que des incendies monstres dévastent actuellement la Californie, portés par des vents puissants, que cinq personnes sont mortes et que plus de 100 000 ont dû être évacuées, le futur président des Etats-Unis a choisi de s’en prendre, mercredi 8 janvier, au gouverneur démocrate de cet état, Gavin Newsom. Que Donald Trump a rebaptisé Gavin «Newscum – «scum» signifie «ordure» en anglais.

«L’une des plus belles régions des Etats-Unis d’Amérique est en train de brûler. C’est de la cendre, et Gavin Newscum devrait démissionner. Tout est de sa faute !!!», écrit par exemple Trump. Ou encore : «A l’heure actuelle, Gavin Newscum et son équipe de Los Angeles ont circonscrit exactement ZÉRO pourcent de l’incendie. Il brûle à des niveaux encore plus élevés que la nuit dernière. […] J’ai hâte d’être au 20 janvier !» Soit la date de son investiture. Une attitude qui n’est pas nouvelle : Trump a pris pour habitude d’attaquer systématiquement les démocrates quand une catastrophe naturelle survient dans leur juridiction.

Pour appuyer ses reproches, le républicain complotiste assure que Gavin Newsom a «refusé de signer la déclaration de restauration de l’eau qui lui avait été présentée et qui aurait permis à des millions de gallons d’eau, provenant de l’excès de pluie et de la fonte des neiges dans le Nord, de s’écouler quotidiennement dans de nombreuses régions de Californie, y compris dans les zones qui brûlent actuellement de manière pratiquement apocalyptique». Un refus, dit-il, qui visait simplement à «protéger un poisson sans valeur, l’éperlan du delta» sans «se soucier des habitants de Californie». A Los Angeles, la plupart de l’eau utilisée provient pourtant du fleuve Colorado et sert en priorité à alimenter l’industrie agricole, explique l’AFP.

Un mensonge, dénoncent les équipes de Newsom

Dans une interview accordée à CNN devant une maison en flammes, Newsom lui a répondu : «Les gens fuient. Certains ont littéralement perdu la vie, des enfants ont perdu leurs écoles, des familles sont déchirées, des églises ont brûlé, et ce mec veut politiser tout ça ? Il y a beaucoup de choses auxquelles je pense et que je voudrais dire, mais je ne le ferai pas. Je me tiens aux côtés du président des Etats-Unis aujourd’hui. J’étais fier d’être avec Joe Biden. Il n’a pas fait de politique, il n’a pas essayé de nous diviser.»

Les services de presse de Gavin Newsom ont appuyé son propos dans un communiqué publié sur X. «La déclaration sur la restauration de l’eau n’existe pas, c’est de la pure fiction. Le gouverneur se concentre sur la protection de la population, pas sur la politique.» Comme le rappelle le New York Times, les débats sur l’eau en Californie «ne datent pas d’hier» : «La majeure partie de l’eau de l’Etat provient de la Californie du Nord, où se déversent chaque année plus de pluie et de neige que la Californie du Sud, comme c’est le cas depuis le début de l’hiver. Mais une grande partie de cette eau est utilisée par les agriculteurs de la vallée centrale et les habitants de la Californie du Sud, ce qui donne lieu à une bataille perpétuelle sur la quantité d’eau que l’Etat et le gouvernement fédéral doivent envoyer vers le sud.»

L’eau peut être détournée vers le delta Sacramento-San Joaquin et la baie de San Francisco pour sauver l’éperlan (en voie de disparition en Californie) et d’autres écosystèmes, explique le New York Times. Ou bien être envoyée aux agriculteurs de la vallée et aux habitants de Los Angeles. «En 2019, au cours de son premier mandat, M. Trump a préconisé des changements qui auraient détourné davantage d’eau vers les cultivateurs de la vallée centrale, et donc inutilisable pour lutter contre les incendies, rappelle le quotidien. Son ministre de l’Intérieur était David Bernhardt, qui était lobbyiste à Washington pour le Westlands Water District, un acteur important de la vallée qui fournit de l’eau aux agriculteurs.» L’administration Biden a fait un choix différent et plus équilibré, permettant à l’eau de s’écouler tout en faisant des efforts pour protéger les poissons.

Suffisamment de réserves

La doctrine portée par Trump n’aurait pas forcément permis de contenir les incendies, estime ainsi le New York Times, d’autant que si de nombreux avions des pompiers ont été cloués au sol, c’était plus à cause des vents violents que du manque d’eau. Plusieurs experts de l’eau ont également expliqué au Washington Post que les accusations de Donald Trump ne sont pas étayées. «Il n’y a aucune relation entre la gestion de l’eau au niveau fédéral et au niveau de l’Etat et l’intensité de ces incendies ou la capacité des gens à lutter contre ces incendies», a déclaré au quotidien Jeffrey Mount, chercheur principal au Public Policy Institute of California, un groupe de réflexion non partisan. Au contraire, le manque de pluie et les vents violents ont créé des conditions dangereuses.

«A l’heure actuelle, la Californie du Sud dispose d’importantes réserves d’eau, ses réservoirs sont pleins - ils sont bien au-dessus des moyennes historiques. Ils gèrent très bien l’eau. Il n’y a pas de pénurie d’eau en Californie du Sud, ce n’est tout simplement pas vrai», a ajouté Jeffrey Mount. Si certaines bouches d’incendie sont à sec, explique-t-il, ce n’est non pas parce que la région manque d’eau, mais parce que la pression diminue en cas de forte demande, ce qui rend plus difficile la circulation de l’eau.

Ce que Donald Trump, climatosceptique notoire, s’est en revanche bien retenu de mentionner, c’est le réchauffement climatique. Même si on ignore ce qui a déclenché ces incendies, «le changement climatique auquel les humains contribuent fait que la chaleur augmente, ce qui déclenche des feux de forêt et une hausse des températures de deux degrés depuis 1895 dans le sud de la Californie», analyse ainsi auprès de l’AFP Patrick Gonzalez, spécialiste du climat à l’université de Californie, à Berkeley.

Un récent rapport du Programme des Nations unies pour l’Environnement (Pnue) conclut que le nombre d’incendies violents va augmenter de 14 % d’ici 2030, 30 % d’ici 2050 et 50 % d’ici la fin du XXIe siècle. Comme dans de nombreux autres pays, l’année 2024 devrait être la plus chaude aux Etats-Unis et les scientifiques rappellent que le changement climatique augmente la fréquence des événements météorologiques extrêmes.