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Répression

Inquiétude au Venezuela après l’arrestation de Rocío San Miguel, opposante notoire de Maduro

De nombreux pays et ONG s’alarment après le placement en détention le 12 février de l’avocate, et dénoncent la «vague de répression» menée par le gouvernement Maduro.
Rocío San Miguel lors d'une conférence à Caracas, le 14 septembre 2011. (Fernando Llano/AP)
publié le 14 février 2024 à 21h22

Un «plan coordonné visant à réduire au silence les critiques et les opposants présumés». C’est ainsi que l’ONU a qualifié, mardi 12 février, le placement en détention de Rocío San Miguel. Spécialiste des questions de défense au Venezuela et directrice de l’ONG Control Ciudadano («Contrôle citoyen»), l’avocate a été arrêtée vendredi matin à l’aéroport Simon-Bolivar de Caracas, alors qu’elle s’apprêtait à prendre un avion pour quitter le pays.

Il aura ensuite fallu plus de 48 heures au procureur général du Venezuela, Tarek William Saab, pour évoquer l’arrestation de Rocío San Miguel sur X (anciennement Twitter), sans pour autant préciser le lieu et les conditions de sa détention. Evoquant un «mandat d’arrêt», le procureur général a précisé que l’avocate était soupçonnée d’être impliquée dans un projet d’attaque – baptisé «Bracelet blanc» – «dont l’objectif était d’assassiner le chef de l’État Nicolas Maduro et d’autres hauts fonctionnaires».

Une «disparition forcée»

Sans nouvelles depuis son arrestation, les avocats de Rocío San Miguel – connue pour être critique du gouvernement – avaient dénoncé lundi «une disparition forcée». Le lendemain, ils ont déclaré avoir appris qu’elle était incarcérée à l’Hélicoïde, le centre de détention des services de renseignement vénézuéliens à Caracas.

Le même jour, Tarek William Saab a annoncé dans un communiqué que le parquet avait demandé le placement en détention provisoire de l’avocate, poursuivie pour «trahison», «conspiration» et «terrorisme». Mais aussi celui de son ex-mari, l’ancien colonel de l’armée de l’air José Gonzales De Canales Plaza, accusé de son côté de «révélation de secrets politiques et militaires concernant la sécurité de la nation».

Des décisions inacceptables pour les Etats-Unis et l’Union européenne, qui se sont dits «profondément préoccupés» par l’affaire mardi 13 février. Le porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a demandé la libération de l’avocate, comme l’avaient fait lundi 204 organisations de défense des droits de l’homme dans une déclaration commune dénonçant «le modèle systématique de disparitions forcées temporaires au Venezuela».

Cinq «complots» contre Maduro

Une énième arrestation au Venezuela, alors que le gouvernement autocratique assure avoir déjà déjoué cinq complots, impliquant selon la justice des militaires, des journalistes et divers militants. Selon des informations diffusées par le parquet fin janvier, 36 personnes au total ont été arrêtées pour avoir prétendument fomenté l’assassinat de Nicolas Maduro, président du pays depuis 2013.

Lors d’une conférence de presse mardi, John Kirby, un porte-parole de l’exécutif américain, a exhorté le président vénézuélien à «respecter les engagements qu’il a pris à l’automne dernier sur la façon de traiter la société civile, les activistes politiques ainsi que les partis d’opposition et même les Vénézuéliens qui voudraient se présenter à des élections».

En octobre, le gouvernement Maduro et l’opposition avaient conclu un accord sur l’île caribéenne de la Barbade, afin que des élections générales libres et transparentes se tiennent en 2024, et en présence d’observateurs internationaux. En échange, les Etats-Unis avaient assoupli leurs sanctions, notamment l’embargo sur le pétrole vénézuélien, imposé par Washington en 2019.

«Réduire au silence les critiques et les opposants présumés»

Mais la (petite) vague d’espoir n’aura pas duré. Fidèle à Nicolas Maduro, la Cour suprême vénézuélienne a récemment confirmé l’interdiction pour la cheffe de l’opposition, María Corina Machado, de se présenter aux élections. En octobre, la députée de 56 ans avait remporté haut la main les primaires de son camp, avec plus de 90 % de suffrages. «Il est hors de question que cette femme soit candidate à quelque élection que ce soit», avait alors réagi le président du Parlement, Jorge Rodríguez.

Face aux récents évènements, la mission d’enquête indépendante du bureau des droits de l’homme des Nations unies au Venezuela a dénoncé mardi une «vague de répression contre les opposants» qui s’intensifie dans le pays. «Il ne s’agit pas d’incidents isolés, mais plutôt d’une série d’événements qui semblent faire partie d’un plan coordonné visant à réduire au silence les critiques et les opposants présumés», a fustigé dans un communiqué la présidente de la mission, Marta Valinas. Selon l’ONG de défense des droits humains Foro Penal, le pays compte actuellement 261 «prisonniers politiques», dont 18 femmes et 146 soldats.