Il ne s’agit que d’un répit et d’une satisfaction partielle. Mais c’est une nouvelle positive pour les partisans du droit à l’avortement. La Cour suprême américaine a à nouveau autorisé jeudi l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans les hôpitaux dans l’Etat d’Idaho en cas d’urgence médicale. Le président démocrate Joe Biden, qui se pose en champion des droits des femmes face à son prédécesseur républicain et adversaire à l’élection de novembre Donald Trump, a salué cette décision. «Aucune femme ne devrait se voir refuser des soins, être obligée d’attendre d’être en danger de mort ou de fuir son Etat simplement pour recevoir les soins dont elle a besoin», mais telle est la conséquence de l’arrêt historique de la Cour suprême annulant la garantie fédérale du droit à l’avortement, a-t-il souligné dans un communiqué.
Cet arrêt date de juin 2022. La plus haute juridiction américaine, à majorité conservatrice, avait alors redonné aux Etats toute latitude pour légiférer dans ce domaine. Depuis, une vingtaine ont interdit l’IVG, qu’elle soit réalisée par voie médicamenteuse ou chirurgicale, ou l’ont strictement encadrée. Parmi ces Etats, l’Idaho rural et conservateur (nord-ouest) n’autorise que de rares exceptions, comme en cas d’inceste ou de danger de mort imminent pour la femme enceinte. Hors de ce cadre, toute personne pratiquant un avortement risque jusqu’à cinq ans de prison.
«Soulagés mais pas vraiment euphoriques»
En août 2022, un juge fédéral, saisi par l’administration Biden, avait pourtant bloqué en partie l’application de cette interdiction dans la mesure où elle entrait en contradiction avec une loi fédérale sur les urgences médicales. La loi fédérale, baptisée Emtala, impose aux hôpitaux affiliés à l’assurance maladie gouvernementale Medicare – soit la majorité d’entre eux – de soigner toute personne présentant une urgence médicale.
Mais en janvier 2024, la Cour suprême avait suspendu la décision de première instance le temps qu’elle se prononce sur le fond, restaurant donc l’interdiction de l’avortement en Idaho dans sa pleine application. Après avoir entendu les arguments des deux parties en avril, une majorité des juges – trois conservateurs et deux progressistes – considère que la Cour a «accordé inopportunément» ce recours, lève donc la suspension de la décision de première instance, et renvoie l’affaire aux juridictions inférieures.
«Les arguments de l’Etat d’Idaho sur la loi Emtala ne justifient pas et n’ont jamais justifié ni un recours en urgence ni notre saisie précoce de ce contentieux», écrit la juge progressiste Elena Kagan. Cette décision «empêchera donc l’Idaho d’appliquer son interdiction de l’avortement quand l’interruption de la grossesse est nécessaire pour prévenir de graves atteintes à la santé d’une femme», précise-t-elle.
«Nous sommes soulagés pour le moment mais pas vraiment euphoriques», a réagi la présidente du Center for Reproductive Rights, (Centre pour les droits reproductifs), Nancy Northup, tout en déplorant que la Cour n’ait pas tranché sur le fond et pour l’ensemble du pays. «Les femmes enceintes souffrant de graves complications et le personnel hospitalier qui les suit ont besoin de clarté dès maintenant», ajoute-t-elle dans un communiqué.