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«J‘ai dû préparer mon sac» : à Los Angeles, des habitants cernés par les incendies

Les flammes ravageaient plusieurs quartiers de la métropole de Californie mercredi 8 janvier. Les habitants, qui décrivent des scènes apocalyptiques, craignent une propagation massive des feux poussés par les vents violents.
Une maison dévorée par les flammes dans les environs de Los Angeles, ce mercredi 8 janvier 2025. (Josh Edelson/AFP)
publié le 8 janvier 2025 à 21h36
(mis à jour le 9 janvier 2025 à 8h30)

La cité des anges n’avait jamais rien connu de tel. Plusieurs incendies sont aux portes de Los Angeles depuis mardi, et notamment dans un quartier huppé qui surplombe la métropole californienne, sur la côte ouest des Etats-Unis. Face à des vents de la puissance d’un ouragan posent un «danger mortel», selon les autorités, plus de 100 000 habitants de la mégapole américaine ont déjà été contraints, en catastrophe, de fuir leurs domiciles. Selon la police, cinq personnes sont mortes et plusieurs ont été blessées.

Ceux qui ont pu se sauver ont parfois dû abandonner leurs véhicules sur l’une des seules routes entrant et sortant de la zone pour échapper, à pied, au feu qui a déjà ravagé près de 2 300 hectares et détruit plus d’un millier de bâtiments. Et alors que les flammes menacent désormais le quartier d’Hollywood, dont les habitants ont été sommés d’évacuer ce jeudi 9 janvier, les habitants de toute la ville et ses alentours sont gagnés par la panique.

Shishi a 27 ans. Le quartier de Beverly Hills qu’elle habite n’est pas encore évacué. Pourtant, ses affaires sont déjà prêtes. «C’est très bizarre comme sentiment. J’ai dû préparer mon sac en vue d’une potentielle évacuation, en me demandant ce qui était essentiel à emporter autour de moi.» Cette urbaniste, qui dit n’avoir jamais vu le danger «d’aussi près», a été contrainte de porter un masque pour sortir promener son chien. «Les paysages sont apocalyptiques, décrit-elle à Libération. D’ici on ne sent que la fumée, mais quand elle traverse les nuages, avec l’éclairage du soleil, tout le ciel est rouge.» Son habitation est séparée de la zone d’incendie par l’autoroute. Mais malgré tout, l’inquiétude règne. «On ne sait pas ce qu’il va se passer. Le vent est très fort, il résonne dans ma maison et m’a même empêchée de dormir. Il peut conduire les flammes jusqu’à nous si ce n’est pas maîtrisé à temps», confie-t-elle au téléphone, la voix inquiète.

Sur les réseaux sociaux, des vidéos et photos de villas parties en fumée abondent. Déclaré en fin de matinée dans les montagnes au nord-ouest de la ville, le feu est parti du quartier Pacific Palisades, peuplé de villas à plusieurs millions de dollars où habitent des célébrités hollywoodiennes, comme Jennifer Aniston, Bradley Cooper, Tom Hanks ou encore Steve Guttenberg.

Habitante de Long Beach, au sud de Los Angeles, Emma a les yeux rivés sur son téléphone depuis mardi. «Je regarde avec attention l’arrivée du feu et je suis en contact permanent avec mes proches», explique-t-elle à Libération. L’inquiétude se mâtine de gratitude, quand elle observe les élans de solidarité qui s’organisent en ligne. «Grâce au réseaux sociaux, les gens s’apportent de l’aide. Certains qui sont encore loin des flammes proposent d’héberger ceux qui doivent évacuer.» De son côté, elle n’a pas encore reçu l’ordre de quitter son habitation, mais prépare son «go-bag» («sac de départ») en cas de nouvelles instructions. «L’avenir est totalement incertain. On a l’impression que nous n’aurons pas assez de ressources pour contrôler le feu. A chaque fois qu’un espace est plus ou moins maîtrisé, un autre s’embrase.» Cette designeuse de bijoux, qui vit en Californie depuis vingt-cinq ans et qui redoutait dès son arrivée ces feux de forêts, dit n’avoir jamais été aussi inquiète quant à l’arrivée des flammes aussi près des zones résidentielles.

Nouveaux incendies à Pasadena

Pour accéder au quartier, les pompiers ont dû utiliser des bulldozers pour dégager des dizaines de véhicules de la chaussée – dont de coûteux modèles BMW, Tesla ou Mercedes – laissant des carcasses écrasées aux alarmes hurlantes sur le bord de la route. Le feu a provoqué un énorme nuage de fumée, visible depuis toute la mégalopole. Plus de 1 400 pompiers se battent contre les flammes et des centaines sont en route, a affirmé le gouverneur de Californie Gavin Newsom. Les médias américains ont par ailleurs fait état d’un pompier parmi les blessés.

Sur X, la Villa Getty, musée américain consacré aux collections d’antiquités, a annoncé que les arbres et la végétation autour du bâtiment ont brûlé, mais que la structure et ses collections d’antiquités romaines et grecques ont été épargnées.

La propagation du feu est d’autant plus difficile à contenir que la ville de Los Angeles est actuellement balayée par de violentes rafales de vents. Des vents chauds de Santa Ana (ville au sud de Los Angeles), typiques de l’hiver californien, ont soufflé jusqu’à 160 km/h dans la région mardi et mercredi, selon les services météorologiques américains (NWS). Un nouvel incendie s’est alors déclaré près de Pasadena, au nord de Los Angeles, et a rapidement ravagé plus de 400 hectares, selon l’agence CalFire. Certains habitants ont commencé à être évacués mercredi tôt dans la matinée.

Après deux années très pluvieuses qui ont revigoré la végétation, le sud de la Californie subit «un début d’hiver le plus sec jamais enregistré». En d’autres termes, tout ce qui a abondamment repoussé agit désormais comme un combustible pour le feu. Les scientifiques rappellent régulièrement que le changement climatique augmente la fréquence des événements météorologiques extrêmes.

Mis à jour le 9 janvier à 8 h 30 avec les derniers chiffres d’évacuation et le témoignage d’Emma.