Inscrivez-vous pour recevoir gratuitement notre newsletter Libélympique tous les matins pendant les Jeux.
«Heureux Guatemala ! Que le bourreau ne profane jamais tes autels, et qu’il n’y ait ni esclaves qui lèchent le joug, ni tyrans qui te crachent à la face…» Ainsi commence l’hymne national du pays, qui a résonné pour la première fois dans une cérémonie olympique mercredi 31 juillet. Adriana Ruano Oliva a en effet remporté la médaille d’or du tir à la fosse, une première dans l’histoire du Guatemala, qui avait auparavant glané l’argent au 20 km marche à Londres avec Erick Barrondo, puis le bronze du tireur Jean-Pierre Brol Cardenas, mardi en fosse olympique (aussi appelé trap), la même discipline que sa compatriote.
La historia olímpica de Guatemala se escribe con letras de oro gracias a Adriana Ruano. Primera medalla olímpica para una mujer guatemalteca, primer oro para nuestro país.
— Bernardo Arévalo (@BArevalodeLeon) July 31, 2024
¡Felicidades, Adriana! 🇬🇹🥇 pic.twitter.com/glneYos2ng
Les installations de tir de Châteauroux (Indre) ont donc porté chance au pays d’Amérique centrale (17 millions d’habitants), dont les représentants ont bien failli participer aux Jeux sous le statut d’athlète individuel neutre (AIN), sans que le nom de leur pays apparaisse et, en cas de victoire, sans hymne. La raison : une sanction imposée par le CIO au comité olympique national.
Le conflit remonte à 2021. Le président du Comité olympique guatémaltèque (COG), Gerardo Aguirre, briguait la réélection, mais sa candidature avait été invalidée par un Tribunal électoral des fédérations sportives, organe que le CIO, autorité mondiale, ne reconnaît pas. Candidat unique, l’ancien footballeur Jorge Rodas, proche du président conservateur Alejandro Giammatei, arrive ainsi à la tête du COG, ce que le CIO interprète comme une intervention du pouvoir politique dans la sphère sportive. Or les statuts des 206 comités nationaux affiliés au CIO imposent leur indépendance vis-à-vis des gouvernements.
Le couperet de Lausanne tombe
Le CIO juge que le processus n’a pas été «libre et démocratique» et, refusant de reconnaître le nouveau venu, ordonne une nouvelle élection. Celle-ci se tient en mars 2022 et voit le retour de Gerardo Aguirre. Mais le candidat soutenu par le Président porte l’affaire devant les tribunaux. Quand la Cour constitutionnelle donne raison à Jorge Rodas, le couperet de Lausanne tombe : le Guatemala n’a plus le droit de se présenter sous son nom aux différentes compétitions internationales.
En juin et juillet 2023, aux Jeux centraméricains organisés au Salvador, les sportifs guatémaltèques participent sous la bannière «Centre Caraïbes Sport» et décrochent 79 médailles dont 17 en or. Même punition en octobre pour les Jeux panaméricains disputés au Chili. Renommés «Equipe d’Athlètes indépendants» (EAI), les chapines, surnom des habitants du Guatemala, remportent 19 médailles dont 3 d’or. Dans les deux cas, le drapeau blanc et azur frappé du quetzal, l’oiseau national, n’a jamais flotté, et leur hymne Heureux Guatemala n’a jamais retenti.
L’élection en août 2023 du président social-démocrate Bernardo Arévalo, après plusieurs mandats de chefs de l’Etat corrompus, a permis de mettre fin à l’imbroglio politico-sportif. En mars, le nouvel élu s’est rendu en Suisse pour plaider sa cause auprès de Thomas Bach, le président du CIO, et la sanction a été levée le mois suivant.