La relation dégénère entre Bogotá et Washington. Ce lundi 20 octobre, la Colombie dénonce même, par la voix de son ministre de l’Intérieur, une «menace d’invasion ou d’action terrestre ou militaire» de la part des Etats-Unis. Armando Benedetti, interrogé sur Blu Radio, réagissait à la déclaration de Donald Trump, qui avait évoqué dimanche ni plus ni moins que la possibilité d’une intervention si le pays n’arrête pas «immédiatement» la production de drogue.
Le président américain a mis en avant le même motif pour justifier la suspension le versement des aides financières accordées à la Colombie, sans préciser lesquelles. En réponse, Bogotá a rappelé son ambassadeur pour consultations, a-t-elle annoncé ce lundi.
Selon les données américaines, la Colombie est le pays d’Amérique du Sud recevant le montant le plus important, avec plus de 740 millions de dollars versés en 2023 (les données ne sont pas disponibles pour 2024). La moitié de cette somme est consacrée à la lutte contre la drogue. Le reste sert notamment à financer des programmes humanitaires et d’aide alimentaire.
Trois morts dans une frappe contre un navire
Dimanche, Washington a fait état d’une nouvelle frappe, le 17 octobre, contre un navire dans les Caraïbes. La cible était, d’après le chef du Pentagone, un bateau affilié à la guérilla colombienne de l’Armée de libération nationale, soupçonné de transporter de la drogue. Bilan : trois morts.
Cette attaque s’inscrivait dans le cadre d’une extension de l’opération militaire des États-Unis dans la mer des Caraïbes. Le pays déploie, depuis août, des bâtiments de guerre au large du Venezuela : au moins sept bâteaux ont été ciblés par les forces américaines, causant au moins 30 morts. Les experts s’interrogent sur la légalité de ces frappes contre des suspects qui n’ont été ni interceptés ni interrogés.
Les relations entre les Etats-Unis et la Colombie, historiquement alliés, ont atteint leur point le plus bas avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et l’élection du premier président de gauche dans l’histoire de la Colombie, Gustavo Petro. Donald Trump n’a pas manqué de verve sur son réseau Truth Social ce dimanche, en dépeignant son homologue comme un «baron de la drogue qui encourage fortement la production massive de stupéfiants» dans son pays.
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Gustavo Petro, de son côté, considère que Donald Trump est «trompé» par ses «conseillers». Il a surtout souligné sur son compte X, ce lundi, que la politique antidrogue américaine avait «causé un million de morts en Amérique latine» et n’était qu’«un prétexte pour contrôler cette région», afin d’«obtenir le pétrole bon marché du Venezuela».
Jusqu’en septembre, Bogotá était considérée comme un des 20 partenaires antidrogue de Washington, ce qui lui permettait de prétendre à d’importants versements financiers. Mais la Maison Blanche a révoqué ce statut, invoquant une production de cocaïne «record» et des «tentatives ratées» de négociations avec les «groupes narcoterroristes». La Colombie est le premier producteur mondial de cocaïne, avec un record de 2 600 tonnes en 2023, soit 53 % de plus que l’année précédente, selon l’ONU.
Gustavo Petro conteste ces chiffres et dénonce des problèmes méthodologiques. Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, il a impulsé un changement de paradigme dans la guerre contre la drogue et mise sur la lutte contre les problèmes sociaux qui alimentent les trafics. Dans le même temps, le pays d’Amérique latine est plongé dans une guerre civile depuis plus d’un demi-siècle entre guérillas, narcotrafiquants et forces gouvernementales. Il connaît sa pire crise sécuritaire de la dernière décennie.
Mise à jour à 18 h 47 avec plus de détails sur l’opération des Etats-Unis dans les Caraïbes