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Rituel

La doublure de Joe Biden : qui est ce «survivant désigné» en cas de catastrophe ?

Qu’arriverait-il ce jeudi 7 mars, si une attaque décimait l’ensemble des membres du Congrès et du gouvernement américain lors du discours sur l’état de l’Union ? Un «survivant désigné» par le président américain prendrait alors sa place.
Joe Biden, lors de son discours de l'état de l'Union, en 2023. (Jacquelyn Martin/AP)
publié le 7 mars 2024 à 18h37

Et soudain, une bombe rase le Capitole américain. Les plus hauts représentants de la Maison Blanche présents au discours de Joe Biden sont décimés. Panique chez l’oncle Sam : qui pour reprendre les rênes de Washington ? Pas d’inquiétude, le code fédéral des Etats-Unis a un coup d’avance. Un «survivant désigné» patiente au chaud, au loin, tapi dans un lieu confidentiel ultrasécurisé.

Qui du secrétaire à l’Intérieur, à l’Agriculture ou au Commerce – comme le veut souvent l’Histoire – a été désigné ce jeudi, au dernier moment, par mesure de sécurité ? Pour le savoir, la presse sur place va scruter les sièges du Congrès pour repérer le grand absent parmi les membres du cabinet. En 2023, Marty Walsh, secrétaire au Travail, était l’heureux élu. Cette année, serait-ce de nouveau Tom Vilsack, chargé de l’Agriculture déjà désigné sous Barack Obama en 2012 ? Ou bien Gina Raimondo, experte du Commerce aussi nommée il y a deux ans ?

«On peut prédire qui ça ne sera pas, mais c’est tout», balaie Lauric Henneton, spécialiste de l’histoire américaine. Selon lui, Jennifer Granholm, secrétaire à l’Energie et Alejandro Mayorkas, à la Sécurité intérieure, ne peuvent être prétendants au titre. La première est née au Canada, le deuxième à Cuba. Or tout «survivant» doit être né citoyen américain, l’une des conditions pour devenir président – outre le fait d’avoir plus de 35 ans. Autre condition : si un successeur de rang supérieur survit à la catastrophe, il aura la priorité sur le «survivant désigné».

«Une terrible responsabilité»

Dans tous les cas, l’heureux élu doit avoir une certaine stature. Aucune chance de tomber sur un Tom Kirkman, obscur secrétaire au Logement et à la Ville propulsé dans le Bureau ovale dans la série «Designated Survivor» diffusée sur ABC et Netflix entre 2016 et 2019. Maladroit, paniqué, le père de famille modèle – incarné par Kiefer Sutherland – court vomir dans les toilettes en guise de premier coup d’éclat présidentiel.

«Cette série a jeté une lumière nouvelle sur cette tradition folklorique quelque peu inhabituelle qui n’a pas véritablement d’importance par rapport au discours de l’état de l’Union», relève Lauric Henneton. La désignation d’un «survivant», pratique née dans les années 60, en pleine Guerre froide par crainte d’une attaque nucléaire de la part des Soviétiques, reste «une extrême précaution dont la concrétisation est hautement improbable», souligne l’expert des Etats-Unis.

Chronique «Philosophiques»

L’éventualité de se retrouver à la tête des Etats-Unis d’Amérique en a tout de même effrayé plus d’un. Dans un essai publié par Politico en 2017, l’ancien secrétaire à l’Agriculture Dan Glickman, «survivant» désigné sous Bill Clinton en 1997, se rappelle ainsi d’une «terrible responsabilité». Emmené dans l’appartement new-yorkais de sa fille, il était accompagné par des membres éminents du personnel militaire et des services secrets. Y compris par un officier portant le «ballon de foot nucléaire», cette sacoche noire d’une vingtaine de kilos contenant les codes nécessaires au lancement de l’arsenal nucléaire américain. «Je me demande parfois si j’aurais eu le courage de donner cet ordre», a-t-il avoué.

«Une seule chose à faire : survivre»

D’autres ont le souvenir d’une soirée plutôt décontractée. Jim Nicholson, ancien secrétaire aux Anciens combattants nommé «survivant» sous George W. Bush en 2006, avait raconté à NBC News avoir été transporté «par hélicoptère jusqu’à un lieu de rencontre caché», une «pièce terne ressemblant à un centre de commandement» où il a été informé de ses fonctions. Et a pu déguster un «délicieux steak» au dîner. Qu’il se la coule douce ou qu’il regarde le discours de l’état de l’Union à la télévision, le «survivant» n’a après tout «qu’une seule chose à faire» rappelle Lauric Henneton : «Survivre».