Menu
Libération
Reportage

«La mer nous a tout pris» : au Mexique, un village englouti par le dérèglement climatique

Article réservé aux abonnés
Les habitants d’El Bosque ont vu la mer progresser au point de devoir fuir. Relogés par le gouvernement, ils vivent dans des conditions précaires et sont devenus officiellement les premiers réfugiés climatiques du pays, dans une région qui voit chaque année la terre être grignotée par l’eau.
La mer emporte peu à peu les débris des habitations de la communauté d'El Bosque, dans l'Etat de Tabasco, au Mexique, le 8 janvier 2025. (Felix Marquez/Libération)
par Diego Calmard, envoyé spécial à El Bosque et Frontera (Tabasco, Mexique)
publié le 15 mars 2025 à 17h47

Guadalupe Cobos ne sait pas nager mais elle n’a pas peur de la mer. La mer vit en elle et elle, elle vit près de la mer. Tôt le matin, son mari Antonio part à la pêche aux crabes. A son retour, sa femme se charge de les décortiquer, des pattes jusqu’à l’intérieur de la carapace. A El Bosque, communauté de pêcheurs du golfe du Mexique, dans l’Etat du Tabasco, ils sont encore nombreux à vivre du crabe, mais plus beaucoup à vivre là. Lupe et Toño, comme on les surnomme, sont les derniers résidents de ce hameau rudimentaire et leur maison de bois est l’une des dernières encore debout : depuis quatre ans, la mer s’est mise à monter. Elle a grappillé une centaine de mètres sur la plage et la quasi-totalité des 120 maisons, déjà précaires, ont été envahies puis détruites. Ne reste plus que celle de Toño et Lupe, et deux autres abandonnées. Relogés par le gouvernement dans un tout nouveau quartier dans la ville de Frontera, à une dizaine de kilomètres, ces pêcheurs, qui n’ont pour la plupart que leur activité pour survivre, sont devenus officiellement les premiers réfugiés climatiques du Mexique.

La localité est située sur une mince bande de terre prise en étau par le delta du fleuve Grijalva et le golfe. Sur la plage, un mur solitaire grignoté par le vent salé témoigne d’un passé encore pas si lointai