Vers une nouvelle crise migratoire entre les Etats-Unis et ses voisins d’Amérique centrale ? Le Mexique a demandé au gouvernement américain de réviser sa politique, au lendemain de la mort de 55 migrants en situation irrégulière dans un accident de camion dans le sud du pays. Le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, a réclamé une «prise de conscience» et une prise en compte «des problèmes de fond» qui sous-tendent les mouvements migratoires vers les Etats-Unis. Le nombre de migrants centro-américains et haïtiens traversant le Mexique vers les Etats-Unis bat tous les records cette année.
Jeudi, près de 160 migrants, en majorité des sans-papiers d’Amérique centrale, voyageaient cachés et entassés dans la remorque d’un camion en direction du nord du Mexique, vraisemblablement vers la frontière américaine, quand le véhicule s’est renversé sur l’autoroute près de Tuxtla Gutierrez, la capitale de l’État du Chiapas, frontalier du Guatemala.
L’accident a fait 55 morts et 105 blessés, en majorité venus du Guatemala (95 parmi les blessés) mais aussi du Honduras, du Mexique, de l’Equateur et de République dominicaine, selon les autorités. Parmi les victimes, dix-neuf des morts étaient des mineurs. Le plus jeune était âgé de 3 ans.
«Il faut donner des opportunités de travail et de bien-être aux migrants»
«Nous allons continuer à dire avec insistance que le problème migratoire ne se résout pas avec des mesures coercitives, mais qu’il faut donner des opportunités de travail et de bien-être aux migrants», a insisté Andrés Manuel López Obrador. Position qu’il dit avoir défendue lors d’une rencontre avec le président Joe Biden mi-novembre. «Ce n’est pas un dossier simple pour le président Biden», a-t-il reconnu.
A Mexico, l’ambassade des Etats-Unis a, de son côté, estimé, dans un message de condoléances posté sur Twitter, que cette tragédie «illustrait ce pour quoi nous demandons instamment que personne ne risque sa vie par la migration clandestine». Pour le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), il faut «des alternatives migratoires et ouvrir des voies légales pour éviter des tragédies comme celles-ci».
Après l’accident de vendredi, l’Institut national de migration (INM) a proposé des permis provisoires de résidence humanitaire pour les survivants, soignés dans les hôpitaux de la région. Les migrants étaient entrés depuis «plusieurs jours» par la frontière avec le Guatemala.
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Le président du Guatemala, Alejandro Giammattei, a promis «toute l’aide consulaire nécessaire, y compris des rapatriements», dans un message de condoléances sur Twitter. Le pays va décréter trois jours de deuil national. Le ministre guatémaltèque des Affaires étrangères, Pedro Brolo, qui s’exprimait devant un hôpital de Tuxtla Gutiérrez (sud-est du Mexique) où sont encore soignés des blessés, a également décidé, avec son homologue mexicain, de la création d’un groupe international chargé de démanteler le réseau de trafiquants à l’origine du drame. Le camion appartenait à une entreprise mexicaine et son chauffeur s’est enfui.
Pression migratoire outre-Atlantique
Preuve qu’outre-Atlantique, la question migratoire est particulièrement tendue, l’accident a eu lieu le jour même où deux premiers migrants ont été renvoyés des Etats-Unis vers le Mexique en vertu d’un programme mis en place à l’époque de l’ex-président Donald Trump (2017-2021), suspendu par Joe Biden mais réactivé sur décision de la Cour suprême américaine. Le projet de l’ancien président américain, subtilement intitulé «Quedate en Mexico» («reste au Mexique»), prévoit que les migrants attendent au Mexique la réponse à leur demande d’asile aux Etats-Unis.
L’administration Biden, mise sous pression en raison du nombre de migrants arrivant à la frontière sud des États-Unis, a décidé de s’appuyer sur le Mexique pour stopper ces flux. Ces derniers mois, le nombre d’arrestations de migrants au Mexique a atteint des niveaux records. À la fin du mois d’octobre, le Mexique avait appréhendé 228 000 migrants en 2021, soit le chiffre annuel le plus élevé de l’histoire.
Traditionnel couloir de passage, le Mexique est donc, lui aussi, confronté cette année à des arrivées records de migrants, venus non seulement du Honduras et du Salvador, mais aussi de Haïti. De janvier à octobre, le pays a enregistré 108 195 demandes d’asile, un record, d’après les derniers chiffres officiels. Leur transport en camion est l’une des méthodes habituelles utilisées par les passeurs mais d’autres migrants préfèrent traverser le pays en «caravane» à pied, et en profitent pour revendiquer leurs droits.