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Libération
Hécatombe

La police américaine a encore tué plus de 1 000 personnes par balle en 2021

Violences policières, une colère mondialedossier
Le bilan annuel dévoilé par le «Washington Post» montre que malgré les scandales récents et les appels à des réformes de la police, les forces de l’ordre continuent de tuer près d’une centaine de personnes chaque mois aux Etats-Unis.
Devant le mémorial de George Floyd à Minneapolis, le 1er juin 2020. (Carlos Barria/Reuters)
publié le 10 février 2022 à 17h08

Depuis la mort de George Floyd sous le genou d’un policier américain en mai 2020, les appels à réformer la police sont légion aux Etats-Unis. Aux quatre coins du pays, des centaines de projets de loi ont été déposés pour faire évoluer les techniques de maintien de l’ordre et limiter les bavures. Pourtant, près de deux ans après le drame qui a entraîné des manifestations tout autour du globe, les forces de l’ordre américaines continuent de tuer par millier.

Selon les chiffres publiés ce mercredi par le Washington Post, la police a tué «au moins 1 055 personnes» par balle en 2021. Soit près de trois par jour. Cela en fait le plus haut total depuis 2015 et le début de ce décompte annuel fait par le journal de la capitale. En comparaison, toutes causes confondues, la police française tue une quinzaine de personnes par an.

Le Washington Post s’est mis à tenir les comptes du nombre de personnes tuées par la police après la mort de Michael Brown en 2014, un jeune homme de 18 ans abattu par un officier de Ferguson alors qu’il n’était pas armé. Le journal, qui a sorti une enquête sur l’affaire, s’est rendu compte que le FBI sous-estimait très fortement les fusillades mortelles impliquant la police : plus de la moitié n’étaient pas répertoriées.

Les hommes et les Afro-Américains surreprésentés

Le décompte fait par le Washington Post, obtenu en compilant les données de la presse locale, des rapports de police et des réseaux sociaux, est rapidement devenu l’un des éléments statistiques de référence dans le domaine. Le FBI a bien tenté de l’imiter en mettant à jour ses méthodes de collectes, mais peine encore à être aussi efficace.

Dans le détail selon le décompte du journal, 94 % des personnes tuées l’année passée par la police étaient des hommes, et 85 % étaient armées quand on leur a tiré dessus. Il faudra en revanche attendre encore quelques mois pour disposer de statistiques consolidées permettant de classer les victimes en fonction de l’origine ethnique. Mais d’après les rapports des années précédentes, les Afro-Américains ont proportionnellement plus de deux fois plus de chances que les Blancs d’être tués par la police aux Etats-Unis. S’ils ne sont que 13 % de la population américaine, les Noirs (non hispanique) représentent ainsi 24 % des personnes tuées par les forces de l’ordre en 2020, un niveau relativement stable d’année en année.

Selon des experts cités par le Washington Post, les chiffres de 2021 prouvent que la doctrine de maintien de l’ordre n’a pas évolué depuis la mort de George Floyd. Il faut néanmoins les mettre en perspective avec ceux des homicides dans la population américaine, qui ont atteint ces deux dernières années des niveaux plus vus depuis la fin des années 90.

Des policiers rarement condamnés

A part quelques affaires fortement médiatisées, comme celle de George Floyd, il reste cependant rare que les policiers soient condamnés pour avoir tué une personne dans l’exercice de leur fonction. Entre 2005 et 2020, seuls 110 policiers ont été inculpés pour homicide. Et cinq d’en eux ont été condamnés pour meurtre.

Ce chiffre particulièrement bas comparé au nombre de morts imputables à la police chaque année s’explique par la loi qui donne aux agents le droit de tirer si ils ont des «craintes raisonnables de danger imminent» pour eux ou autrui, dans un pays qui compte plus d’armes civiles en circulation que d’habitants. Le poids des syndicats qui les défendent corps et âme n’aide pas aux condamnations.