Entre querelles républicaines intestines et bras de fer avec le président Joe Biden, le Congrès américain reste paralysé et a reporté à jeudi un vote sur une aide à l’Ukraine ou Israël. Les sénateurs ont rejeté mercredi après-midi un texte visant à débloquer de nouveaux fonds pour ces deux pays en guerre, tout en réformant le système migratoire des Etats-Unis. Le tout après plusieurs mois de négociations.
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Un échec causé par les pressions de Donald Trump, toujours fort d’une immense emprise sur ses troupes au Congrès. La plupart des républicains ont finalement voté contre, même ceux qui soutenaient initialement le texte. Le Sénat devait retenter sa chance dans la foulée sur un autre texte dont l’issue était plus incertaine. Celui-ci comprend l’aide à l’Ukraine et à Israël, cette fois sans réforme migratoire. Mais le vote a été reporté à jeudi. De quoi «donner aux collègues républicains la nuit pour se ressaisir», a estimé le Chef démocrate du Sénat, Chuck Schumer.
Des scénarios «de polar» envisagés
Les Etats-Unis, principal soutien militaire de l’Ukraine avec plus de 110 milliards déjà débloqués par le Congrès, butent depuis des mois sur l’envoi de nouveaux fonds à Kiev. L’état-major démocrate, aux manettes au Sénat, explore une série de scénarios pour valider cette aide coûte que coûte. Mais le risque reste à chaque fois le même : que ces initiatives se heurtent à un mur de parlementaires trumpistes, majoritaires à la Chambre des représentants. Des troupes du président sortant qui refusent de débloquer le moindre centime supplémentaire pour Kiev, malgré les plaidoyers répétés de Joe Biden.
Or, pour être promulguée, cette aide doit être approuvée par les deux chambres du Congrès américain. Dmytro Kouleba, chef de la diplomatie ukrainienne – qui presse depuis des mois les Etats-Unis d’envoyer de nouveaux fonds pour contrer la Russie – a regretté mercredi cette situation «confuse». L’homme a annoncé avoir reçu depuis Washington un dernier rapport sur les «scénarios possibles», dont certains seraient «dignes de polars».
L’échec de l’adoption de nouveaux fonds représenterait une déconvenue énorme pour l’Ukraine, dont la contre-offensive a largement échoué cet été. Mais aussi pour Joe Biden face à ses partenaires européens, qui viennent tout juste d’approuver une rallonge de 50 milliards d’euros le 1er février. Pour le chef de l’Otan Jens Stoltenberg, le soutien du Congrès à l’Ukraine serait «essentiel» : une «victoire russe nous affaiblirait et enhardirait non seulement Moscou, mais aussi la Chine, l’Iran et la Corée du Nord», a-t-il ajouté.
Une demi-victoire trumpiste
La situation est tout aussi embourbée dans la validation de fonds pour Israël, allié historique des Etats-Unis et en guerre contre le Hamas palestinien depuis le 7 octobre. Car c’est là tout le problème : Joe Biden a exigé que toute aide pour Israël soit couplée à une enveloppe pour l’Ukraine. Ce qui n’est pas du goût des républicains de la Chambre, qui ne parviennent pas non plus à adopter leur propre projet de loi pour éviter le compromis.
Un revers de plus donc pour les conservateurs à la tête de l’institution, qui ont essuyé un autre revers dans la soirée en échouant à inculper le ministre de Joe Biden chargé de l’immigration. Ils accusent Alejandro Mayorkas d’avoir créé une crise à la frontière avec le Mexique, et voulaient pour cette raison lui infliger une sanction plus vue depuis près de 150 ans.
L’état-major républicain, qui pensait avoir un nombre suffisant de voix pour remporter ce vote, a été pris de court par l’arrivée inattendue d’un élu démocrate dans l’hémicycle. Al Green, pourtant en convalescence en raison d’une opération à l’abdomen, a débarqué en fauteuil roulant en plein vote, pieds nus et en tenu d’hôpital, faisant finalement pencher la balance en faveur des démocrates.
Si le financement de l’aide pour l’Ukraine est loin d’être enterré aux Etats-Unis, cela pourrait bien être le cas dans l’éventualité d’une réélection de Donald Trump, s’inquiètent diplomates et experts américains. Selon eux, le retour du républicain au pouvoir pourrait signifier un «effondrement» de l’Otan, et un affaiblissement du «leadership» des Etats-Unis.