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Polémique

Le salut nazi d’Elon Musk à l’investiture de Trump, un «geste odieux» et une vive polémique

Si certains plaident une maladresse, le geste fasciste effectué par le multimilliardaire laisse d’autant moins de doutes qu’il intervient en plein rapprochement avec la droite nationaliste mondiale.
SpaceX CEO Elon Musk gestures during a rally on the inauguration day of U.S. President Donald Trump's second Presidential term, inside Capital One, in Washington, U.S. January 20, 2025. REUTERS/Mike Segar (Mike Segar/Reuters)
publié le 21 janvier 2025 à 20h07

Cela restera sans doute l’une des scènes les plus saisissantes de l’investiture de Donald Trump. Et si elle a ravi les néonazis, galvanisés par l’idée que leur idéologie dispose désormais d’un rond de serviette à la Maison Blanche, le reste du monde s’en serait volontiers passé. L’homme au cœur de la polémique n’est autre qu’Elon Musk, figure tutélaire de la tech mondiale, patron de Tesla, de Space X et du réseau social X, devenu un proche du nouveau président dont il a généreusement financé la campagne victorieuse.

Quelques heures après la cérémonie au Capitole, lundi 20 janvier, Musk a fait une apparition remarquée dans une Capital One Arena bondée, où des partisans exaltés de Trump attendaient leur héros. Euphorique, Musk a harangué et remercié la foule, avant de frapper sa poitrine avec la main droite puis de tendre le bras en diagonale, paume tournée vers le bas. Ce geste, répété une seconde fois après qu’il s’est retourné, a aussitôt été interprété comme un double salut nazi.

Les réseaux sociaux, à commencer par sa propre plateforme, se sont enflammés. «C’était un salut nazi – et un salut très agressif», a commenté l’historienne américaine Ruth Ben-Ghiat, spécialiste du fascisme. «Ce geste odieux n’a pas sa place dans notre société et renvoie aux chapitres les plus sombres de l’humanité», a dénoncé le représentant démocrate Jerry Nadler. L’organisation progressiste VoteVets a, pour sa part, fustigé une «insulte ignoble au sacrifice» des 400 000 Américains tombés en combattant le fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale, y voyant un «signe effrayant de la direction» prise par le pays.

Syndrome d’Asperger

Certains ont néanmoins pris la défense de Musk, évoquant une maladresse due à son syndrome d’Asperger. «J’ai souvent critiqué Elon Musk pour avoir laissé les néonazis polluer cette plateforme, a écrit sur X l’historien Aaron Astor. Mais ce geste n’est pas un salut nazi. C’est un signe de la main socialement maladroit d’un homme autistique.» Même l’Anti-Defamation League (ADL), habituellement intraitable sur l’antisémitisme, a pris sa défense, qualifiant l’incident de «geste maladroit dans un moment d’enthousiasme, et non un salut nazi», et exhortant les Américains à s’accorder «le bénéfice du doute» dans un climat politique ultrapolarisé. Cette position a provoqué l’ire de l’élue progressiste Alexandria Ocasio-Cortez, qui a accusé l’ADL de compromettre sa crédibilité en minimisant un tel acte.

Face à la controverse grandissante – sur X, les mots-clés «Musk» et «nazis» figuraient parmi les principales tendances ce mardi 21 janvier –, l’intéressé a préféré la dérision au démenti. «Franchement, ils ont besoin de trouver de meilleurs coups tordus. La rengaine du “Tout le monde est Hitler” est tellement dépassée», a ironisé Elon Musk. Une bravade qui n’a fait qu’épaissir le brouillard et attiser les tensions.

«Internationale réactionnaire»

Dans les cercles d’extrême droite américains, l’épisode a été accueilli avec enthousiasme. Sur l’application Telegram, Christopher Pohlhaus, chef du groupe néonazi Blood Tribe, a applaudi le geste de Musk, indissociable de l’idéologie fasciste, avec une ironie caustique : «Peu importe si c’était une erreur, je savoure les larmes qu’il provoque.» Andrew Torba, fondateur de Gab, le réseau social prisé des suprémacistes blancs, s’est lui aussi réjoui : «Des choses incroyables se produisent déjà.»

Cette controverse éclate alors que Musk multiplie les rapprochements avec des figures de la droite nationaliste mondiale – en particulier en Europe, où Emmanuel Macron l’accuse de promouvoir une «internationale réactionnaire». A l’approche des législatives anticipées du 23 février en Allemagne, l’homme le plus riche du monde a récemment eu un long entretien sur sa plateforme avec Alice Weidel, tête de liste de l’Alternative für Deutschland (AfD), parti d’extrême droite dont certains membres entretiennent des liens avec des groupes néonazis. Une intrusion politique qui alimente de vives inquiétudes.

Tout en qualifiant le geste d’Elon Musk de «profondément irritant», la présidente de la communauté juive de Munich, Charlotte Knobloch, a exhorté ce mardi 21 janvier à ne pas perdre de vue l’essentiel : «Ce qui est bien plus alarmant, ce sont les positions politiques d’Elon Musk, son ingérence agressive dans la campagne parlementaire allemande et son soutien à un parti aux aspirations antidémocratiques flagrantes.» C’est là, assurément, que se joue la véritable bataille.