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Libération
Reportage

Le système de santé cubain, une exception fragilisée par la crise

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Héritage de l’ère Castro dont les habitants restaient fiers, le modèle sanitaire du pays, avec son armée de docteurs et ses vaccins prêts à être déployés à l’international, est durement frappé par la crise économique.
Une partie du corps médical quitte Cuba, le salaire étant bien trop faible et les conditions de travail mauvaises. (Guy Leroy/Collectif DR)
par Laurence Cuvillier, envoyée spéciale à La Havane
publié le 3 janvier 2024 à 5h00

«Il me faut des couches pour adultes, c’est urgent ! On a opéré la vessie du patient, mais on n’a plus de sondes pour canaliser l’urine. Dis-moi vite si tu sais où je peux en trouver, j’irai les acheter !» Un message vocal de plus, de la part d’une ancienne collègue, arrive sur le téléphone de Yerismar Vázquez. Cet ancien infirmier a jeté l’éponge en juillet 2022. Sa lettre de démission était explicite : «Je vous informe de ma volonté de quitter cette institution, pour les raisons suivantes : manque de matériel médical (gants, solutions désinfectantes, ventilateurs…), obstacles administratifs pour l’obtention de médicaments, alimentation déplorable.» Il l’a rendue publique, tout comme les diverses photos, vidéos et témoignages qu’il a recueillis pendant ses cinq années de travail.

Yerismar a pris une décision rare à Cuba : parler. Presque tous ses collègues, dit-il, se taisent pour ne pas perdre leur travail… même s’il ne leur rapporte qu’environ 25 euros par mois. «Ici, ou tu te tais ou tu fuis le pays. Mais parler de ce qu’il se passe vraiment, tu sais que ça t’attirera des problèmes…» De fait, dit-il, il doit constamment se créer de nouveaux profils sur les réseaux sociaux pour diffuser ses informations. «Ils ont fermé onze fois mon profil Facebook. Et le ministère de la Santé a dit que j’avais démissionné “pour motifs personnels”. Ça n’avait rien de personnel, mes motifs étaient professionnels !» Aujourd’hui, il s’occupe, à domicile, de patient