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Rapatriement

Le Venezuela reprend les rapatriements de migrants, Trump le menace quand même

Le président américain a menacé d’imposer 25 % de droits de douane aux pays qui achètent du pétrole vénézuélien. Quelques heures plus tôt, le gouvernement a pourtant rapatrié 199 de ses ressortissants expulsés des Etats-Unis.
Des migrants vénézuéliens expulsés des Etats-Unis atterrissent à l'aéroport international Simon-Bolivar, le 24 mars. (Ariana Cubillos/AP)
par Anaé Rodier et Benjamin Delille
publié le 24 mars 2025 à 18h11

Entre Caracas et Washington, la communication est toujours aussi compliquée. Ce lundi 24 mars, le gouvernement vénézuélien a dépêché un nouvel avion de sa compagnie publique Conviasa au Honduras pour rapatrier 199 de ses ressortissants expulsés des Etats-Unis où ils espéraient trouver refuge. Ce qui ressemblait à une reprise du dialogue interrompu entre les Etats-Unis et le Venezuela fut rapidement douché par les errements diplomatiques de Donald Trump : quelques heures plus tard, le président d’extrême droite annonce qu’il va imposer des droits de douane de 25 % sur toutes les marchandises des pays qui achètent du gaz ou du pétrole vénézuélien – la principale ressource de ce pays qui concentre les plus grandes réserves de brut au monde. Sur son réseau Truth Social, il a justifié sa décision par l’attitude «très hostile» de Caracas à son égard.

Les deux pays s’étaient pourtant accordés, fin janvier, lors d’une visite inattendue de l’envoyé spécial de Donald Trump, Richard Grenell, pour que le Venezuela accepte de rapatrier progressivement ses ressortissants entrés clandestinement aux Etats-Unis – ils sont particulièrement nombreux puisque 8 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays depuis 2015 selon l’ONU. Trois vols de rapatriement ont suivi, deux directement depuis le Texas et un autre depuis le Honduras, jusqu’à ce que Donald Trump décide d’opérer une volte-face. Fin février, il a décidé de révoquer la licence de la major pétrolière Chevron, qui opérait depuis 2022 au Venezuela malgré les sanctions américaines contre l’industrie pétrolière, officiellement pour protester les «conditions électorales qui n’ont pas été respectées par le régime de Maduro», lors de sa réélection du 28 juillet. En coulisses, l’administration Trump accusait le Venezuela de freiner les rapatriements. Résultat : Caracas les a interrompus.

Le lourd tribut de la politique trumpiste

Lundi, au petit matin, le ministre de l’Intérieur vénézuélien, Diosdado Cabello, était présent à l’aéroport de Caracas. Il s’est dit prêt à «accueillir les Vénézuéliens où qu’ils soient», précisant que «si les voyages ont été irréguliers, ce n’est pas du fait du Venezuela». La république bolivarienne rejette en effet la faute de la très grave crise migratoire sur les sanctions américaines. Celles-ci ne datent pourtant que de 2019, et ladite crise a commencé bien plus tôt du fait d’une gestion calamiteuse de l’économique et de l’hyperinflation qui a rendu la vie des Vénézuéliens impossible.

Reste que ceux-ci paient un lourd tribut dans la politique anti-migrants de Donald Trump. Dimanche 23 mars, le président américain a dit vouloir retirer le statut légal de 532 000 migrants latino-américains. Il y a des Cubains, des Honduriens, des Nicaraguayens, mais surtout au moins 155 000 Vénézuéliens qui étaient jusque-là protégés par un programme mis en place par l’administration de Joe Biden au vu de la situation délicate quant aux droits humains dans leurs pays.

Un décret «anachronique»

Une semaine plus tôt, ce sont aussi des Vénézuéliens qui furent les premières victimes de l’Alien Enemies Act. Une loi de 1798 déterrée par l’administration Trump et qui permet d’emprisonner ou d’expulser des étrangers en temps de guerre. Elle n’avait pas été utilisée depuis la Seconde Guerre mondiale. Qu’à cela ne tienne, le milliardaire s’en est tout de même servi pour expulser 238 Vénézuéliens vers le Salvador. Pour justifier leur expulsion et leur incarcération dans une prison de haute sécurité de ce petit pays d’Amérique centrale, les autorités assurent qu’ils sont tous membres du gang vénézuélien Tren de Aragua. Plusieurs médias américains et latino-américains en doutent fortement vu le profil des personnes concernées, parfois uniquement incriminées parce qu’ils portaient des tatouages.

L’utilisation de ce décret, au motif que le Tren de Aragua est une organisation terroriste selon les autorités américaines, menace de provoquer une crise constitutionnelle : la loi devait être validée par un juge fédéral qui se questionnait sur sa légalité. Mais Donald Trump n’a pas attendu cette validation pour mettre en œuvre cette expulsion. Washington accuse d’ailleurs le gouvernement vénézuélien d’entretenir des liens avec le gang Tren de Aragua. Caracas juge de son côté «anachronique» l’usage du fameux décret. Et le gouvernement de Maduro espère «que le prochain appel téléphonique [des Etats-Unis] soit pour la libération de ceux qui ont été kidnappés au Salvador».