Menu
Libération
Branle-bas de combat

L’Equateur en état d’urgence après l’évasion de «Fito», son ennemi public numéro 1

Le président équatorien Daniel Noboa a décrété lundi 8 janvier l’état d’urgence pour l’ensemble du territoire, suite à l’évasion d’Adolfo Macias – alias «Fito» – chef du plus grand gang criminel et ennemi public numéro 1 du pays, dont la fuite a déclenché des soulèvements dans les prisons.
Les forces de police montent la garde devant la prison de Turi alors que des détenus tiennent en otage des gardiens de prison, à Cuenca, en Equateur, lundi. (Fernando Machado/AFP)
publié le 9 janvier 2024 à 10h51

Moins de trois mois après son élection à la tête de l’Equateur, le jeune président conservateur Daniel Noboa, qui avait promis de ramener «la paix» dans un pays sous l’emprise des cartels mexicains du narcotrafic, percute déjà la réalité de «la violence» et de «la corruption» contre lesquelles il promettait de lutter. Au lendemain de l’évasion de la prison de Guayaquil de «Fito», chef des «Choneros», le plus grand gang de narcotrafiquants du pays, et alors que les prisons se soulèvent, Daniel Noboa a promulgué l’état d’urgence dans tout le pays, y compris dans le système pénitentiaire.

Dans une vidéo diffusée par la présidence lundi 8 janvier, il déclare : «Je viens de signer le décret sur l’état d’urgence pour que les forces armées aient tout le soutien politique et juridique dans leurs actions.» Le président autorise par là même l’armée à opérer pendant 60 jours au maintien de l’ordre dans les rues et les prisons du pays, où un couvre-feu a été déclaré entre 23 heures et 5 heures du matin. Objectif : retrouver le plus vite possible Adolfo Macias – alias Fito – l’ennemi public numéro 1, dont l’évasion a provoqué des émeutes dans plusieurs centres pénitentiaires.

Les forces de sécurité «sont à pied d’œuvre pour retrouver cet individu extrêmement dangereux» qui aurait fui dimanche, «quelques heures» avant une opération de contrôle menée dans la prison de Guayaquil, a déclaré le secrétaire à la communication du gouvernement Roberto Izurieta. Ce dernier a affirmé que «la recherche [de Fito] continue […] Il sera retrouvé, il doit être retrouvé», qualifiant le chef de gang de «criminel aux caractéristiques extrêmement dangereuses, dont les activités présentent des caractéristiques de terrorisme». Il a déploré que «le niveau d’infiltration» des groupes criminels au sein de l’Etat «soit très élevé» et a qualifié le système pénitentiaire équatorien d’«échec».

Le parquet équatorien a annoncé lundi 8 janvier avoir ouvert une enquête contre deux fonctionnaires pénitentiaires «qui auraient participé à l’évasion» de Fito, qui purgeait depuis 2011 une peine de 34 ans de prison pour crime organisé, trafic de drogue et meurtre. Par ailleurs, dans la nuit de lundi à mardi 9 janvier, peu de temps après la mise en place de l’état d’urgence, la police équatorienne a annoncé sur X qu’au moins quatre policiers avaient été enlevés. Trois d’entre eux étaient en service dans la ville côtière de Machala, tandis que le quatrième se trouvait dans la capitale Quito quand il a été kidnappé par trois individus à bord d’«un véhicule aux vitres teintées et sans plaques».

Des gardiens pris en otage

Dimanche 7 janvier, le chef de la police avait reconnu devant la presse que Fito était «introuvable à l’endroit où il aurait dû se trouver», une cellule de haute sécurité du pénitencier de la ville portuaire. Le parquet avait alors ouvert une enquête sur «l’évasion présumée» de Fito, 44 ans, qui dirige le gang des «Choneros», principal acteur du narcotrafic florissant en Equateur, qui compte environ 8 000 hommes selon les experts. L’homme s’était déjà évadé en 2013, avec d’autres prisonniers, d’une prison de haute sécurité, avant d’être repris au bout de trois mois de cavale.

Dans la foulée de l’instauration de l’état d’urgence, la police a rapporté des violences dans la province d’Esmeraldas, contrôlée par des gangs. Des individus ont lancé un engin explosif près d’un commissariat, a-t-elle indiqué, et deux véhicules ont été incendiés, sans faire de victimes. En conséquence, des policiers et des militaires ont pénétré lourdement armés dans plusieurs prisons du pays, notamment celles où des gardiens ont été séquestrés.

Des images publiées sur les réseaux sociaux, qui n’ont pu être vérifiées, ont montré des gardiens retenus sous la menace de couteaux par des hommes cagoulés, suppliant le gouvernement «d’agir avec prudence» et de «ne pas envoyer de troupes dans les prisons». Des vidéos diffusées par les forces armées montrent plus tard des détenus allongés dans la cour de prisons, les mains sur la tête. L’administration pénitentiaire (SNAI) a indiqué que personne n’avait été blessé à la suite de ces «incidents».

«Nous avons pris des mesures qui nous permettront de reprendre le contrôle» des prisons, a souligné lundi 8 janvier le président Noboa, ajoutant : «Nous ne négocierons pas avec les terroristes et on ne s’arrêtera pas tant que nous n’aurons pas rendu la paix à tous les Equatoriens.»

Assassinat politique

Le nom de «Fito» a fait la une de la presse ces derniers mois après l’assassinat début août de l’un des principaux candidats à l’élection présidentielle. La victime, ancien journaliste et parlementaire, avait fait état peu avant son exécution de menaces de mort de la part du chef des Choneros. Arborant une large barbe, Fito, réputé très charismatique, a suivi des études de droit en prison jusqu’à obtenir son diplôme d’avocat. Une chanson à sa gloire par un groupe mexicain, avec clip vidéo et images filmées dans sa cellule, a récemment été diffusée sur les réseaux sociaux.

L’Equateur est devenu ces dernières années un centre logistique pour l’expédition de cocaïne vers les Etats-Unis et l’Europe. Ravagé par la violence des gangs et des narcotrafiquants, le pays a vu les homicides augmenter de près de 800 % entre 2018 et 2023, passant de 6 à 46 pour 100 000 habitants. Les prisons sont par ailleurs le théâtre de massacres récurrents entre bandes rivales : depuis février 2021, on dénombre au moins une douzaine de massacres, qui ont fait plus de 460 morts parmi les détenus. Les autorités se sont révélées jusqu’à présent incapables d’en reprendre fermement le contrôle.