C’est encore l’heure de la prérentrée pour Jennifer Peyton, et l’open space du prestigieux cabinet d’avocats où elle s’apprête à faire ses débuts comme associée est encore pour elle cette terra incognita déroutante avec vue du vingt-deuxième étage sur la splendide skyline du centre de Chicago, où elle s’amuse de se perdre sans retrouver la salle de réunion qu’elle a réservée, s’ébaudit de la belle consistance du café qui y est servi, et doit toujours se présenter, tailleur bleu chic et rouge aux joues, à la plupart de ceux qui deviendront dans quelques jours ses collègues : «Enchantée, je suis Jennifer, ravie d’être là, j’ai hâte de commencer lundi».
Quelques visages, croisés tout sourire dans les bureaux attenants à celui où l’attendent déjà ses premiers dossiers, lui sont cependant familiers : pendant des années, elle les côtoya en robe de magistrat au sein des cours fédérales traitant des affaires d’immigration – avant de se retrouver, ces jours-ci, à se recycler ici, dans le secteur privé. Et ces tribunaux de Chicago où se décident chaque jour des centaines de destins migratoires, Peyton les supervisait encore el