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Entourloupe

Les Etats-Unis affirment être dispensés de péage de la part du canal de Panama, qui dément

Le département d’Etat américain se réjouissait déjà des millions de dollars d’économies réalisées sur ses navires militaires, mais le Panama a vite douché cette perspective. Pour le moment.
Des conteneurs au port Cristobal, exploité par la Panama Ports Company, à Colon, Panama, le 4 février 2025. (Matias Delacroix/AP)
publié le 6 février 2025 à 7h49
(mis à jour le 6 février 2025 à 15h23)

Un nouveau coup de menton américain. Les Etats-Unis ont annoncé mercredi que leurs navires gouvernementaux pourront désormais franchir gratuitement le Canal de Panama, que le président Donald Trump menace de reprendre, mais l’autorité chargée de gérer cette voie d’eau stratégique a démenti cette affirmation. «L’Etat du Panama a donné son accord pour ne plus faire payer aux navires de l’Etat américain la traversée du Canal de Panama», s’est félicité le département d’Etat sur le réseau social X, ajoutant que cela «va faire économiser des millions de dollars à l’Etat américain».

Mais l’Autorité du Canal de Panama, un organisme indépendant créé par la Constitution panaméenne pour administrer le canal, a rapidement démenti. «L’Autorité du Canal de Panama, qui a le pouvoir de fixer les péages et autres droits pour le franchissement du canal, annonce qu’elle n’a procédé à aucun ajustement de ces droits», a-t-elle écrit dans un communiqué sur X. Elle a ajouté être «disponible pour établir un dialogue avec les fonctionnaires compétents des Etats-Unis concernant le passage des navires de guerre de ce pays». «Je démens ce communiqué du département d’Etat parce qu’il est basé sur quelque chose d’absolument faux», a affirmé le président Mulino en début de journée. Très remonté, le dirigeant a jugé la situation «intolérable. [...] Aujourd’hui, le Panama annonce au monde mon rejet absolu du fait que nous continuions à développer des relations bilatérales sur la base de mensonges et de faussetés.»

«Un cadeau insensé»

«Nous avons été très maltraités par ce cadeau insensé qui n’aurait jamais dû être fait. La promesse que nous avait faite le Panama n’a pas été tenue», avait déclaré Donald Trump dans son discours d’investiture, en affirmant que les navires américains étaient «gravement surtaxés». «Et surtout, la Chine exploite le canal de Panama, et nous ne l’avons pas donné à la Chine, nous l’avons donné au Panama. Et nous allons le reprendre», avait-il asséné.

En visite dimanche au Panama, le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio avait laissé entendre que le président panaméen José Raul Mulino avait pris note des préoccupations des Etats-Unis concernant les péages imposés aux navires militaires américains. Selon Washington, l’influence croissante de la Chine autour du canal menace les intérêts américains et pourrait permettre à Pékin de bloquer cette voie maritime stratégique en cas de conflit. En cause : la concession accordée depuis 1977 à une filiale du conglomérat hongkongais CK Hutchison pour exploiter les ports panaméens de Balboa et de Cristobal, aux deux entrées du canal, la voie d’eau elle-même restant administrée par l’Autorité du Canal de Panama. Hutchison Ports PPC, filiale de Hutchison Holdings, avait obtenu une première concession de 25 ans, qui a été prolongée de 25 ans en 2021.

De nouveaux pourparlers vendredi sur le canal

Depuis les pressions de Donald Trump, la société fait l’objet d’un audit des autorités panaméennes afin de vérifier si elle respecte ses engagements financiers. Et deux avocats panaméens ont déposé une plainte demandant l’annulation de la concession. Pendant la visite de Marco Rubio, le président panaméen a en outre annoncé que son pays ne renouvellerait pas le mémorandum d’accord sur la participation du pays au projet mondial chinois d’infrastructures dit des «Nouvelles routes de la soie».

Conclu en 2017, ce mémorandum avait fait du Panama le premier pays de la région à s’associer à ce programme de Pékin. Il est renouvelé tous les trois ans par tacite reconduction, la prochaine échéance étant en 2026. Les gouvernements américain et panaméen prévoient de nouveaux pourparlers vendredi sur le canal, par lequel transite 5 % du commerce mondial et dont les Etats-Unis et la Chine sont les principaux usagers.

Mise à jour le 6 février avec la réaction du président panaméen.