Les mesures annoncées visent d’ordinaire des criminels ou des dictateurs. Après avoir lancé la procédure en février, les Etats-Unis de Donald Trump ont sanctionné jeudi 5 juin au soir quatre magistrates de la Cour pénale internationale (CPI), estimant que leurs procédures visant des soldats américains ou l’exécutif israélien étaient «illégitimes» et «politisées».
Les magistrates visées sont Solomy Balungi Bossa et Luz del Carmen Ibanez Carranza, à l’origine d’enquêtes de la CPI sur des crimes de guerre présumés de soldats américains en Afghanistan. Mais aussi Reine Alapini Gansou et Beti Hohler, qui ont autorisé la CPI à émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant. Les juges avaient estimé qu’il y avait des «motifs raisonnables» de soupçonner les deux hommes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans la guerre à Gaza.
Récit
Les quatre magistrats se voient interdits d’entrée sur le sol américain et leurs avoirs détenus aux Etats-Unis sont gelés. «Nous n’avons pas pris cette décision à la légère. Cela reflète la menace sérieuse que représentent la politisation et l’abus de pouvoir de la CPI», affirme le ministère américain des Affaires étrangères dans un communiqué. «Ces quatre personnes participent activement aux actions illégitimes et infondées de la CPI ciblant les Etats-Unis et notre proche allié», Israël, ajoute le département d’Etat.
En février, les Etats-Unis avaient déjà pris des sanctions contre le procureur de la CPI Karim Khan, qui avait initié cette procédure contre l’exécutif israélien. Le procureur s’est depuis mis en retrait, car visé par une enquête pour «faute présumée».
Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a réagi en remerciant tôt ce vendredi matin le président américain et son administration pour cette initiative. «Merci au président Trump et au secrétaire d’Etat Rubio d’avoir imposé des sanctions contre les juges politisés de la CPI. Vous avez défendu à juste titre le droit d’Israël, des Etats-Unis et de toutes les démocraties à se défendre contre le terrorisme sauvage», a écrit le dirigeant israélien sur X.
«Ceux qui croient pouvoir agir en toute impunité»
La Cour pénale internationale a rapidement réagi, dénonçant dans un communiqué «une tentative manifeste de porter atteinte à l’indépendance d’une institution judiciaire internationale qui opère sous le mandat de 125 Etats parties du monde entier». «La CPI soutient pleinement son personnel et poursuivra son travail sans se laisser décourager», a ajouté l’institution. «Cibler ceux qui œuvrent pour la justice ne contribue en rien à aider les civils pris au piège des conflits. Cela ne fait qu’enhardir ceux qui croient pouvoir agir en toute impunité», a-t-elle poursuivi.
Selon Liz Evenson, de l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch, les sanctions américaines «visent à dissuader la CPI de désigner les responsables des crimes graves commis en Israël et en Palestine au moment où les atrocités israéliennes se multiplient à Gaza, y compris avec la complicité des Etats-Unis». «Les sanctions doivent servir à mettre fin à des violations des droits humains, pas à punir ceux qui cherchent à rendre justice pour les crimes les plus graves», a-t-elle ajouté.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme ont également appelé les Etats-Unis à retirer ces sanctions. «De telles attaques sont profondément nuisibles à la bonne gouvernance et à la bonne administration de la justice», a affirmé Volker Türk, dans une déclaration envoyée aux médias, tandis que l’Union européenne a affirmé, par la voix du président du Conseil européen, Antonio Costa, soutenir «avec force» la CPI, qui «ne s’oppose pas aux nations, elle s’oppose à l’impunité. Nous devons protéger son indépendance et son intégrité.»
Tribune
Ni les Etats-Unis ni Israël ne sont membres de la CPI, juridiction permanente chargée de poursuivre et juger des individus accusés de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre. Ils ne reconnaissent pas sa capacité à poursuivre leurs ressortissants.
Au cours du premier mandat de Donald Trump, la CPI, en particulier sa procureure d’alors, Fatou Bensouda, avait déjà été la cible de sanctions américaines - levées par Joe Biden peu après son arrivée au pouvoir en 2021.
Mis à jour : à 11h20 avec les déclarations de l’Union européenne et du Haut-commissaire de l’ONU