Donald Trump est «très satisfait» et il le montre. Le président américain, dont le chantage commercial a porté ses fruits, a finalement décidé lundi de suspendre pour un mois son projet de hausse de 25 % des droits de douane pour le Canada et le Mexique, tandis qu’il menace toujours la Chine de lui imposer 10 % de taxes supplémentaires. Ces trois pays sont les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis et représentent plus de 40 % des importations du pays.
Concernant la Chine, l’heure n’est pas encore à l’apaisement. S’il était «prévu [que Donald Trump] s’entretienne avec le président Xi [Jinping] dans les prochaines vingt-quatre heures», avait assuré la veille la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, Pékin a annoncé ce mardi 4 février au matin avoir déposé plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En cause, la menace proférée par Trump d’augmenter ses droits de douane de 10 %. «Pour défendre ses droits légitimes, [elle] a déposé une plainte sur les droits de douane américains devant le mécanisme de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce», a précisé dans un communiqué le ministère chinois du Commerce. Le ministère des Finances chinois avait annoncé un peu plus tôt ce mardi que son pays allait imposer des droits de douane de 15% sur les importations de charbon et de gaz naturel liquéfié (GNL) américains. Par ailleurs, des taxes douanières de 10% seront infligées aux importations de pétrole américains et à d’autres catégories de biens venant des Etats-Unis : machines agricoles, véhicules de sports de grosse cylindrée et camionnettes. Toutes ces mesures doivent entrer en vigueur le 10 février.
Récit
La présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, et le Premier ministre canadien démissionnaire, Justin Trudeau, ont pour leur part conclu lundi des accords de dernière minute avec Donald Trump pour renforcer les contrôles aux frontières afin de limiter l’afflux de migrants et de fentanyl – un opioïde meurtrier – aux Etats-Unis. Le milliardaire républicain menaçait ses deux voisins d’instaurer des droits de douane de 25 % sur leurs produits s’ils n’entreprenaient rien dans ces domaines. Il a accepté de temporiser, et s’est dit «très satisfait», donc, des négociations avec Justin Trudeau et a salué sa «conversation amicale» avec Claudia Sheinbaum.
«Guerre contre la drogue»
Pour apaiser le président américain, le Mexique s’est engagé à envoyer 10 000 soldats supplémentaires à la frontière avec les Etats-Unis, quand le Canada a promis de nommer un responsable entièrement dédié à la lutte contre le trafic de fentanyl, de lancer une force d’intervention conjointe avec Washington contre le crime organisé et d’inscrire les cartels mexicains sur sa liste des organisations terroristes.
L’ampleur des changements concédés par le Canada n’était pas immédiatement claire car, outre ces annonces, Justin Trudeau a simplement confirmé la mise en œuvre d’un plan annoncé depuis des semaines. Il prévoit 1,3 milliard de dollars canadiens (environ 873 millions d’euros) pour renforcer les contrôles à la frontière, notamment avec «de nouveaux hélicoptères» et «plus de personnel». Au total, «près de 10 000 agents sont et seront sur le terrain pour protéger notre frontière», a assuré le Canadien.
Interview
Lundi, le conseiller économique de la Maison Blanche, Kevin Hassett, a voulu rappeler sur CNBC que la question n’est pas celle d’une guerre commerciale mais d’une «guerre contre la drogue». La production de précurseurs chimiques du fentanyl en Chine, ensuite utilisés par les cartels mexicains pour fabriquer cet opioïde de synthèse meurtrier, est un phénomène bien documenté. En revanche, le rôle du Canada dans ce trafic est extrêmement limité. Selon les chiffres officiels des services frontaliers américains, moins de 1 % du fentanyl saisi aux Etats-Unis l’année dernière est arrivé du Canada.
Les marchés financiers avaient terminé dans le rouge lundi, effrayés par la perspective d’une vaste guerre commerciale et les promesses de représailles du Canada et du Mexique. La tension était particulièrement vive au Canada, que Donald Trump aimerait voir devenir le 51e Etat américain. Justin Trudeau avait encouragé les Canadiens à acheter des produits locaux et à passer leurs vacances sur le sol national, et des listes de produits américains à boycotter circulent largement. Le compromis trouvé a finalement convaincu la province de l’Ontario, poumon économique du Canada, de renoncer lundi soir à bannir les entreprises américaines des contrats publics. «Nous avons temporairement évité des droits de douane qui auraient gravement endommagé notre économie, donnant du temps aux négociations et pour permettre aux esprits de se calmer», a déclaré Doug Ford, le Premier ministre de l’Ontario.
Mis à jour ce mardi 4 février à 7 h 56 avec la suspension de la hausse pour le Canada et la plainte de la Chine.