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Seuils

Les Etats-Unis veulent bannir les Pfas de l’eau potable

Les autorités américaines présentent mercredi 10 avril des seuils limites dans l’eau courante concernant les Pfas, une première au niveau national dans le pays, pour réduire l’exposition des populations à ces polluants dits éternels.
Photo d'illustration d'une personne nettoyant une bouteille réutilisable. (Dougal Waters/Getty Images)
publié le 10 avril 2024 à 13h28

Les Etats-Unis veulent faire la chasse aux Pfas dans l’eau courante. L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) présente ce mercredi 10 avril, de nouvelles normes concernant la concentration maximale de ces polluants éternels dans les robinets. Il s’agit de la mesure «la plus forte jamais prise sur les Pfas par l’EPA», a déclaré son patron, Michael Regan. Avec cette première norme fédérale sur le sujet, il espère réduire l’exposition aux Pfas d’environ 100 millions de personnes, et empêcher «des milliers de morts». Ce plan limite ces produits chimiques au niveau le plus bas que les tests peuvent détecter, note AP News.

Les per- et polyfluoroalkylées (Pfas) sont une grande famille de molécules de synthèse utilisées depuis les années 1940 et ayant été développées pour leur résistance à la chaleur ou encore leur imperméabilité. Ils sont par exemple utilisés dans les textiles imperméables, les poêles antiadhésives (Téflon), des détergents, cosmétiques, les rendant quasi-incontournables dans la vie quotidienne. Mais ces propriétés les rendent quasi-indestructibles, leur permettant ensuite de s’accumuler dans la nature ou le corps humain. Or l’exposition à certains Pfas a été liée à des cancers, peut affecter la fertilité ou encore le développement des jeunes enfants, a souligné l’EPA. La justice américaine est régulièrement saisie sur la pollution aux Pfas. Le combat de l’avocat américain Robert Bilott contre le géant américain de l’industrie chimique DuPont, a même donné lieu à un film, Dark Waters en 2019. Rien que l’année dernière, les poursuites judiciaires accusant de grandes entreprises chimiques de polluer l’eau potable des États-Unis avec des PFAS ont conduit à des règlements de plus de 11 milliards de dollars.

D’autres pays prennent des mesures contre les Pfas. En France, le 4 avril, l’Assemblée nationale a voté une loi pour interdire les polluants éternels dans les vêtements et les cosmétiques, à partir du 1er janvier 2026. Au niveau européen, un accord a été trouvé le 5 mars pour interdire, à partir de 2026, l’ajout intentionnel dans les emballages alimentaires de polyfluoroalkylés.

Cinq ans pour se mettre aux normes

Le gouvernement américain avait annoncé son intention d’agir concernant les Pfas dans l’eau potable il y a environ un an. La réglementation est désormais finalisée, au terme d’une période de consultation publique. «Il ne fait aucun doute que ces composés chimiques ont été importants pour certaines industries et certains usages des consommateurs», a déclaré Michael Regan. «Mais il ne fait pas non plus de doute que beaucoup d’entre eux peuvent être nocifs pour notre santé et l’environnement».

Dans le détail, elle concerne cinq types de Pfas - notamment les PFOA et PFOS, les plus étudiés et le plus souvent détectés. L’Agence américaine de protection de l’environnement estime qu’entre 6 % à 10 % des systèmes publics fournissant de l’eau potable (66 000 au total) devront prendre des mesures pour se conformer aux nouvelles normes.

Ils auront d’abord trois ans pour tester leur eau et informer la population des niveaux de pollution observés. Ils auront ensuite deux ans supplémentaires pour agir, par exemple en installant des filtres spécifiques. Le gouvernement de Joe Biden débloque un milliard de dollars pour aider à financer ces installations – des fonds issus d’une grande loi de rénovation des infrastructures adoptée en 2021.

«Une grande victoire» mais encore «beaucoup de travail»

Une dizaine d’Etats américains avaient déjà des limites pour les Pfas dans l’eau potable, et pourront les conserver si elles sont plus strictes que les nationales. D’autres pays, ainsi que l’Union européenne, ont également déjà des seuils limites. Mais ceux annoncés mercredi par les Etats-Unis sont «parmi les plus strictes de monde, voire les plus strictes», selon Melanie Benesh, de l’Environmental Working Group (EWG), une organisation très engagée sur ce sujet. La nouvelle réglementation est «historique», a-t-elle ajouté. «C’est une grande victoire pour la santé publique aux Etats-Unis.»

Il ne s’agit pas de la seule action du gouvernement Biden contre les Pfas. En février, les autorités sanitaires américaines ont par exemple annoncé la fin de la vente d’emballages d’aliments contenant des Pfas (emballages de fast-food, plats à emporter, sachets de pop-corn…), supprimant ainsi l’une des principales sources d’exposition alimentaire. Lundi, l’EPA a également annoncé demander aux entreprises travaillant pour l’administration américaine d’acheter des produits d’entretien ne contenant pas de Pfas.

Mais il reste «beaucoup de travail pour mettre fin à la pollution aux Pfas», a déclaré Ken Cook, président de l’organisation EWG. «Ces substances chimiques contaminent désormais tous les Américains depuis leur naissance», a-t-il dit. Et ce «parce que depuis des générations, les Pfas ont glissé sur toutes les lois environnementales, comme un œuf au plat sur une poêle en Téflon».