Remue-ménage au Washington Post. Près de 400 membres de la rédaction ont envoyé un courrier à Jeff Bezos, patron d’Amazon, mais aussi directeur du Washington Post depuis 2013, pour témoigner de leurs inquiétudes pour l’avenir du journal selon le Guardian. La lettre envoyée mardi 14 janvier par les journalistes a ensuite été publiée sur X le lendemain par Ben Mullin, reporter au New-York Times.
Le courrier fait suite au refus de la direction publier un dessin de la caricaturiste Ann Telnaes, prix Pulitzer du dessin de la Presse en 2001, et à sa démission qui a suivie. Sur l’illustration de la discorde figure l’homme d’affaires et patron de presse Jeff Bezos agenouillé devant une statue de Donald Trump et lui tendant un sac d’argent.
«Nous sommes profondément inquiets»
Dans la missive, les salariés du journal témoignent de leurs inquiétudes vis-à-vis des «récentes décisions de la direction qui ont conduit les lecteurs à s’interroger sur l’intégrité de cette institution, qui ont rompu avec une tradition de transparence et qui ont incité certains de nos collègues les plus éminents à partir, d’autres départs étant imminents».
Présidentielle américaine 2024
Les journalistes insistent également sur leur souhait de «rétablir une relation avec les dirigeants basée sur une communication ouverte», et pour ce faire, invitent Jeff Bezos à se rendre dans leurs bureaux. Ceux-ci lui demandent également de s’en tenir à la promesse prise à son arrivée de ne pas modifier les valeurs du Washington Post. Et de conclure : «Nous nous sommes engagés à poursuivre un journalisme indépendant qui demande des comptes au pouvoir et traite de l’actualité sans crainte ni favoritisme. Cela ne changera jamais. Rien n’ébranlera notre détermination à suivre l’information où qu’elle nous mène».
Neutralité politique ?
Durant la campagne présidentielle, le média américain avait déjà mis le feu aux poudres en déclarant ne soutenir aucun candidat, une décision que Jeff Bezos assurait avoir prise «par principes». Mais pour Sébastien Mort, spécialiste de la presse américaine, ce choix «va dans le sens de l’érosion du rôle démocratique de la presse aux Etats-Unis». La décision avait suscité des réactions houleuses et le journal avait perdu 10 % de ses abonnés à sa suite, selon les chiffres du Guardian. A ce sujet, les journalistes concèdent dans la lettre envoyée mardi que «la question de l’appui présidentiel» est «une prérogative du propriétaire», mais rappellent vouloir travailler sans «demander des comptes au pouvoir».
Or, au terme de la campagne présidentielle, Jeff Bezos ne s’est pas privé de complimenter chaleureusement Donald Trump, rompant avec sa volonté affirmée de neutralité médiatique, de quoi inquiéter ses salariés. «Félicitations à notre 45e et désormais 47e président pour son retour politique extraordinaire et sa victoire décisive. Aucune nation n’a de plus grandes opportunités. Je lui souhaite du succès dans sa mission de diriger et d’unifier l’Amérique que nous aimons tous», avait-il écrit sur X.
Le multimilliardaire souhaite être dans les bonnes grâces présidentielles, mais veut aussi éviter d’éventuelles sanctions à l’égard d’Amazon. Durant son premier mandat, Donald Trump avait menacé le milliardaire de lancer une enquête sur la gestion fiscale d’Amazon, une tentative de faire pression sur lui mais également d’infléchir la ligne éditoriale du Washington Post qui lui était hostile. Le vent a visiblement tourné puisque Jeff Bezos fait désormais partie des invités de marque conviés à la cérémonie d’investiture de Donald Trump ce lundi 20 janvier, en compagnie d’Elon Musk et de Mark Zuckerberg.