L’escalade Occident-Iran se poursuit. Depuis Vienne, le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a adopté ce jeudi 12 juin une résolution condamnant l’Iran pour «non-respect» de ses obligations nucléaires. La République islamique est le seul Etat non doté d’armes nucléaires à enrichir de l’uranium (processus nécessaire pour créer un combustible nucléaire) au niveau élevé de 60 %, selon l’agence – 90 % sont nécessaires pour fabriquer une bombe atomique. Le texte de l’AIEA, élaboré par Londres, Paris et Berlin (l’alliance E3) associés à Washington, a été approuvé par 19 pays sur 35. La Russie, la Chine et le Burkina Faso ont voté contre.
En riposte, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) a annoncé qu’elle allait construire un nouveau site d’enrichissement d’uranium. «Nous remplaçons toutes ces machines de première génération par des machines avancées de sixième génération» à l’usine d’enrichissement nucléaire de Fordo, au sud de Téhéran, a déclaré Behrouz Kamalvandi. Ce porte-parole de l’OIEA a précisé que cela signifiait que la production «de matière enrichie augmentera de manière significative». Rapidement après cette réaction, l’Union européenne a appelé l’Iran à faire preuve de «retenue».
Tensions montantes avec Washington et Israël
Cet avertissement de l’AIEA, organisme international autonome du système des Nations unies, survient dans un climat très crispé. Avant le vote, l’Iran – accusé, malgré ses démentis, de chercher à se doter de la bombe atomique – avait annoncé qu’il réduirait sa coopération avec l’agence si la résolution était adoptée. Téhéran avait aussi menacé mercredi de cibler les bases militaires américaines au Moyen-Orient en cas de conflit avec les Etats-Unis. Les deux pays qui n’ont pas de relations diplomatiques depuis 1980 tentent de s’entendre sur un potentiel texte qui empêcherait l’Iran de se doter de l’arme atomique en échange d’une levée des sanctions qui entravent son économie. Mais dans un podcast du New York Post diffusé mercredi, Donald Trump s’est dit «beaucoup moins confiant [qu’auparavant] de parvenir à un accord», avec la République islamique.
De nouvelles discussions sont prévues dimanche, après cinq séances de pourparlers. «Les Etats-Unis négocient de bonne foi afin de parvenir à un accord qui nous permettra» d’écarter «avec certitude» ce risque, a rappelé le chargé d’affaires américain Howard Solomon au cours des débats cette semaine au siège de l’instance onusienne à Vienne. «L’Iran a aujourd’hui une occasion claire de bâtir la confiance» en offrant à l’AIEA «plus de transparence» et en stoppant l’expansion de son programme nucléaire, a-t-il estimé.
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Israël, allié des Etats-Unis et qui considère le programme nucléaire iranien comme une menace existentielle, attise aussi de son côté la discorde. Depuis mercredi, les médias américains, dont le New York Times et NBC News, ont rapporté qu’Israël semblait préparer une attaque imminente contre son ennemi juré. A la suite du vote de l’AIEA, l’Etat hébreu a d’ailleurs immédiatement appelé la communauté internationale à une «réponse décisive». «L’Iran a constamment fait obstruction à la vérification et à la surveillance de l’AIEA, il a renvoyé des inspecteurs […] et dissimulé des sites soupçonnés de ne pas être déclarés», a écrit le ministère israélien des Affaires étrangères sur son compte X.
Une production de matière nucléaire qui ne cesse d’augmenter
Dans ces conditions, l’instance onusienne «n’est pas en mesure de garantir que le programme nucléaire iranien est exclusivement pacifique». Cette situation «soulève des questions qui relèvent de la compétence du Conseil de sécurité des Nations unies», organe habilité à prendre des sanctions, selon le texte de la résolution qui fait planer la menace d’un renvoi du dossier à l’ONU si Téhéran ne fait pas un geste dans les semaines à venir.
La résolution adoptée ce jeudi appelle le pays à «remédier d’urgence au non-respect» des engagements pris en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). L’agence tente en vain d’obtenir des clarifications sur le sort inconnu de matières et d’équipement nucléaires résultant d’activités non déclarées menées jusqu’au début des années 2000. Téhéran a par ailleurs accéléré ces derniers mois sa production d’uranium enrichi à 60 %. Il a accumulé un stock suffisant pour fabriquer «plus de neuf» bombes, a rappelé l’E3 dans sa déclaration devant le Conseil des gouverneurs. «Tout en engageant cette année le dialogue avec les Etats-Unis et le groupe E3, l’Iran a poursuivi sans relâche son escalade nucléaire, au-delà de toute justification civile crédible», ont dénoncé les diplomates européens, appelant la République islamique à «changer de cap de toute urgence».