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Libération
Droits des femmes

L’Etat du Texas poursuivi par une Américaine empêchée d’avorter malgré une grossesse à risque

Selon sa plainte, Kate Cox a appris la semaine dernière que son fœtus de vingt semaines est atteint d’une maladie chromosomique mortelle. L’interdiction de l’IVG dans cet Etat empêche ses médecins de procéder à un avortement malgré une mise en danger de sa santé.
Le cas de Kate Cox, dont le fœtus est atteint de trisomie 18, une maladie chromosomique mortelle, est une illustration concrète des conséquences dramatiques des lois restrictives et répressives sur l’avortement aux Etats-Unis. (AFP)
publié le 6 décembre 2023 à 13h09

Une Américaine en appelle à la justice pour reprendre le pouvoir sur son corps. Kate Cox, 31 ans, a entamé une procédure mardi 5 décembre contre l’Etat du Texas pour exiger de pouvoir avorter. Depuis le renversement de l’arrêt Roe v Wade qui garantissait le droit à l’interruption volontaire de grossesse depuis 1973, cet Etat du sud des Etats-Unis interdit quasiment toutes les IVG, y compris en cas de viol et d’inceste. Ce cas particulier est l’une des illustrations concrètes des conséquences dramatiques de ces lois restrictives et répressives sur l’avortement.

La vie, la santé et la fertilité future de Kate Cox sont pourtant menacées par sa grossesse. Selon la plainte déposée en son nom et celui de son mari par le Center for Reproductive Rights (Centre pour les droits reproductifs) auprès du tribunal d’Austin, la capitale texane, la trentenaire a appris la semaine dernière que son fœtus de vingt semaines est atteint de trisomie 18, une maladie chromosomique mortelle appelée aussi syndrome d’Edwards, ce qui signifie qu’il risque de mourir in utero, de naître mort-né ou de mourir précocement. Des échographies ont notamment révélé que le fœtus présentait des anomalies à la colonne vertébrale et à l’abdomen. Les développements de son crâne et de son cœur sont aussi anormaux. Bien qu’il n’y ait «pratiquement aucune chance que leur bébé survive jusqu’à la naissance ou longtemps après», Kate Cox n’a pas le droit d’avorter, relate le Guardian.

«Les mains liées»

Les médecins de cette femme, qui risquent 99 ans de prison, 100 000 dollars d’amende et une révocation de leur licence s’ils pratiquent une IVG, lui disent avoir «les mains liées» et l’invitent à attendre que le fœtus meure dans son ventre, selon les termes de cette plainte que relate CBS News.

Cette solution comporte pourtant de lourds risques pour la santé de Kate Cox. En raison de deux césariennes antérieures, le déclenchement du travail après une mort in utero impliquant une nouvelle césarienne comporte un risque élevé de rupture de l’utérus et d’hystérectomie (ablation de l’utérus), ce qui pourrait la tuer ou l’empêcher de tomber enceinte à l’avenir.

«La question n’est pas de savoir si je devrai dire au revoir à mon bébé, mais quand. J’essaie de choisir la meilleure option pour mon bébé et moi-même, mais l’Etat du Texas nous fait souffrir tous les deux», a témoigné Kate Cox, ajoutant «je ne veux pas que la douleur et la souffrance qui ont marqué cette grossesse se poursuivent. Je ne veux pas que mon bébé arrive dans ce monde uniquement pour le voir souffrir. Je dois mettre fin à ma grossesse maintenant afin d’avoir les meilleures chances pour ma santé et une future grossesse.» La requête, déposée en urgence auprès de la justice texane, demande la suspension temporaire de l’interdiction d’avorter et le renoncement aux poursuites envers leur gynécologue obstétricienne, Damla Karsan. Cette dernière est d’ailleurs coplaignante et assure être prête à mettre fin à la grossesse si la justice le lui permet.

Cette gynécologue est également plaignante avec un autre médecin dans l’affaire Zurawski, une action historique lancée en mars, dans laquelle vingt femmes contestent l’interdiction de l’avortement au Texas. Elles demandent de clarifier les deux seules exceptions accordées, soit «en cas de danger de mort ou de grave handicap pour la mère». Pour le Center for Reproductive Rights qui les représente aussi, les termes «sont trop vagues», «au point que les hôpitaux et les médecins évitent de lancer les procédures dans quasiment toutes les circonstances», dénonçait l’organisation en novembre dans le Dallas Times.

«Incertitude généralisée»

Les plaignantes dénoncent les conséquences dramatiques de l’obligation à mener leurs grossesses non viables et à risque jusqu’à leur terme. Amanda Zurawski a notamment fait une septicémie lors d’une fausse couche, trois jours après que les médecins ont refusé de pratiquer un avortement, en raison de la détection du rythme cardiaque du fœtus. Après avoir frôlé la mort, la Texane de 36 ans a dû subir plusieurs opérations de reconstruction de l’utérus et ne peut désormais plus retomber enceinte que par une procédure de fécondation in vitro.

Dans une décision rendue en août, un juge texan de première instance a statué que l’interdiction dans l’Etat sudiste était trop restrictive pour les femmes souffrant de complications durant leur grossesse, et que ces plaignantes avaient été «retardées ou privées d’accès à l’avortement en raison de l’incertitude généralisée concernant la marge de manœuvre des médecins». Cette décision a été aussitôt suspendue après que l’Etat a fait appel. La Cour suprême du Texas en a débattu la semaine dernière, sans annoncer de date de rendu de sa décision. L’instance pourrait statuer uniquement sur la suspension ou sur le fond du dossier, qui doit être jugé lors d’un procès en mars 2024.