L’agonie de l’Afro-Américain George Floyd, filmée par une passante le 25 mai 2020, avait enflammé l’Amérique et révulsé le monde entier. Près de onze mois plus tard, mardi, l’annonce du verdict pour le policier blanc Derek Chauvin, reconnu coupable de meurtre, d’homicide involontaire et de violences volontaires ayant entraîné la mort de cet homme de 46 ans est largement saluée dans la société américaine.
Dans un discours solennel, Joe Biden a appelé l’Amérique à lutter contre le racisme qui «entache» son âme. «L’heure est venue pour ce pays de se rassembler», a ajouté le président américain. «Le verdict de culpabilité ne fera pas revenir George» mais cette décision peut être le moment d’un «changement significatif».
«Nous devons écouter. “Je ne peux plus respirer, je ne peux plus respirer” : ce furent les derniers mots de George Floyd, a-t-il martelé. Nous ne pouvons les laisser mourir avec lui. Nous devons continuer à entendre ces mots. Nous ne devons pas nous détourner.»
«Nous devons encore réformer le système.»
A ses côtés, Kamala Harris a déclaré son «soulagement». «Cela n’enlève toutefois pas la douleur», a poursuivi la première vice-présidente noire de l’histoire des Etats-Unis. «Les Américains noirs, particulièrement les hommes noirs, ont été traités à travers ce pays comme s’ils n’étaient pas des hommes, a lancé l’ex-sénatrice. Nous devons encore réformer le système.»
Peu après le verdict, tous deux avaient appelé par téléphone la famille Floyd. «Nous sommes tous tellement soulagés, leur avait déclaré le Président. J’aurais aimé être là pour vous prendre dans mes bras.» «L’histoire se souviendra de ce moment», leur avait promis Kamala Harris.
«Aujourd’hui, un jury à Minneapolis a fait ce qu’il fallait», s’est félicité l’ancien président Barack Obama, tout en appelant à poursuivre cette «lutte». «On ne peut pas s’arrêter là», a-t-il ajouté dans un communiqué. «Si nous sommes honnêtes, nous savons que la vraie justice va bien plus loin qu’un seul verdict dans un seul procès.»
Today, a jury did the right thing. But true justice requires much more. Michelle and I send our prayers to the Floyd family, and we stand with all those who are committed to guaranteeing every American the full measure of justice that George and so many others have been denied. pic.twitter.com/mihZQHqACV
— Barack Obama (@BarackObama) April 20, 2021
«Empêcher d’autres morts insensées»
L’ex-président démocrate Bill Clinton a de son côté dénoncé : «La couleur de peau détermine encore bien trop souvent comment quelqu’un est traité dans presque toutes les sphères de la vie américaine.» Et d’ajouter : «Si le verdict ne nous ramènera pas George Floyd, il peut nous aider à empêcher d’autres morts insensées et nous rapprocher du jour où nous serons tous traités de la même manière.» Pour l’heure, l’ancien président Trump, en exercice lors du drame, ne s’est pas exprimé.
«Grâce à vous, et grâce aux milliers, aux millions de gens qui ont manifesté à travers le monde pour la justice, votre nom restera à jamais synonyme de justice», a déclaré la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, devant le Capitole peu après le verdict.
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Au-delà de la sphère politique, les réactions au verdict ont émané de toutes les sphères de l’Amérique, sportives, artistiques. Adam Silver, le patron de la NBA, a salué ce verdict dans un communiqué commun avec Michele Roberts, directrice de l’Association des joueurs de basket : «Le meurtre de George Floyd a été un point de rupture dans la façon avec laquelle nous considérons les problèmes de race et de justice dans notre pays, et nous sommes heureux de voir que la justice semble avoir été rendue.» Les deux responsables soulignent : «Justice est faite.»
L’heure est aussi aux engagements. Le patron de la NBA a promis que son organisation poursuivrait sa campagne en faveur de réformes dans la justice et la police aux Etats-Unis. Les joueurs de la NBA s’étaient joints aux manifestations qui ont éclaté dans tout le pays après le décès de George Floyd.
«Racisme systémique»
Les joueurs des Minnesota Timberwolves et des Minnesota Lynx de WNBA (franchise de basket-ball féminin de la ville de Minneapolis) ont également salué ce verdict dans un communiqué commun : «Tout au long de notre histoire, les inégalités raciales et sociales ont été enracinées dans notre société. Nous espérons que la décision d’aujourd’hui constituera un pas en avant, mais elle ne soulagera pas la douleur physique et émotionnelle qui persiste dans un environnement où le racisme systémique existe.» Les deux équipes «restent déterminées à influencer le changement, à promouvoir une action percutante et à utiliser notre plateforme pour aider à guérir et à s’unir dans la poursuite de la liberté et de la justice».
Très engagé dans le mouvement Black Lives Matter, le joueur des Lakers de Los Angeles LeBron James a tweeté le mot «imputabilité». Ce dernier a aussi réagi au tweet de soutien à la famille Floyd très critiqué de l’équipe de football américain Las Vegas Raiders proclamant «I can breathe 4-20-21». Un énorme faux pas et une déclaration tout sauf anodine. En 2014, après l’assassinat par la police d’Eric Garner à New York, des manifestants se sont rassemblés devant l’hôtel de ville de New York pour soutenir le NYPD (service de police de la ville de New York) en portant des tee-shirts estampillés «I can breathe» («Je peux respirer») en forme de soutien au policier Daniel Pantaleo, qui a tué Eric Garner. Un écho affligeant aux derniers mots de la victime «I can’t breathe», les mêmes que ceux prononcés par George Floyd.
This is real???? Nah man this ain’t it at all. The F^%K!!!! 🤦🏾♂️ https://t.co/f44D7OQWfo
— LeBron James (@KingJames) April 21, 2021
Le propriétaire des Raiders Mark Davis à l’origine de ce tweet plaide l’ignorance auprès du site d’actualités sportives américain The Athletic : «Je n’en avais aucune idée. C’est une situation dont je n’étais pas au courant», a-t-il affirmé tout reconnaissant «une énorme erreur à cet égard». Il déclare s’être inspiré des mots du frère de George Floyd, Philonise, qui a déclaré après le verdict de culpabilité de Chauvin : «Aujourd’hui, nous pouvons à nouveau respirer.» Bien que «profondément, profondément déçu» d’avoir offensé la famille de la victime, il ne compte toutefois pas supprimer ce post mais l’a désépinglé du compte Twitter de l’équipe. Le mea culpa n’est donc pas pour tout de suite. «Ce ne sont pas des excuses. Je ne suis pas gêné par ce que j’ai dit, mais j’ai appris quelque chose maintenant. […] J’ai appris que les flics portaient des tee-shirts en disant cela. Et c’est un point négatif», a-t-il déclaré auprès du média sportif.
«Un combat plus vaste contre le racisme»
Le patron de Facebook Mark Zuckerberg a également écrit : «J’espère que ce verdict apportera un certain réconfort» à la famille Floyd «et à tous ceux qui ne peuvent pas s’empêcher de se reconnaître dans cette histoire». Il a poursuivi : «Nous sommes solidaires avec vous, conscients qu’il s’agit d’un combat plus vaste contre le racisme et l’injustice.»
Les messages de soulagement ont dépassé les seules frontières des Etats-Unis. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a notamment adressé ses pensées à la famille Floyd. «J’ai été consterné par la mort de George Floyd et je salue ce verdict, a tweeté Boris Johnson. Mes pensées ce soir vont à la famille de George Floyd et à ses amis.»