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L’Iran et le Venezuela signent un accord de coopération pour vingt ans

L’Iran et le Venezuela, deux pays pétroliers soumis à des sanctions américaines, ont signé ce samedi un accord de coopération d’une durée de 20 ans visant à renforcer leur alliance, a annoncé le président iranien Ebrahim Raïssi.
Le président vénézuélien Nicolás Maduro (à gauche) et son homologue iranien Ebrahim Raïssi (à droite) lors d'une rencontre à Téhéran ce samedi. ( Iranian Presidency/AFP)
publié le 11 juin 2022 à 12h55

Après l’idylle, le mariage. L’Iran et le Venezuela, deux pays sous sanctions américaines, ont signé ce samedi un accord de coopération pour vingt ans à l’occasion d’une visite du président vénézuélien Nicolás Maduro à Téhéran. «La signature d’un accord de coopération stratégique de vingt ans […] montre la détermination des hauts responsables des deux pays à développer les relations bilatérales dans différents domaines», a souligné le président iranien Ebrahim Raïssi lors d’une déclaration à la presse avec son homologue vénézuélien.

Le document a été signé par les ministres des Affaires étrangères des deux pays «dans les domaines politique, économique, du tourisme, du pétrole et de la pétrochimie» selon l’agence officielle iranienne Irna. Lors de la conférence de presse, les deux chefs d’État ont insisté sur «l’amitié indestructible» qui unit leurs deux pays.

Si la République islamique et la République bolivarienne n’ont pas exactement le même positionnement idéologique, leur haine des Etats-Unis dépasse toutes les différences pour une alliance qui va désormais bien au-delà de la circonstance. Les deux dirigeants ne s’en sont d’ailleurs pas cachés. Pour Ebrahim Raïssi, ces accords «stratégiques» doivent permettre aux deux pays de faire face à «l’impérialisme» des États-Unis. Le tout en saluant «une parfaite résistance (du Venezuela) face aux sanctions et aux menaces de l’impérialisme».

Si l’on n’a pas de détails précis sur cet accord important, Nicolás Maduro a tout de même indiqué qu’il permettrait de «consolider la souveraineté et la sécurité alimentaire de nos pays». Ce qui constitue le principal problème de Caracas puisque l’essentiel de sa consommation se fait grâce à des produits d’importation après huit ans de crise économique, d’hyperinflation, et l’effondrement de son appareil productif.

Des intérêts croisés

L’alliance Iran-Venezuela n’est pas nouvelle, mais elle s’est considérablement accrue depuis le printemps 2020 lorsque au plus fort de la pandémie, plusieurs pétroliers iraniens ont livré de l’essence à la République bolivarienne alors en proie à de fortes pénuries. Ces livraisons, alors même que le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole, avaient déjà provoqué l’ire des États-Unis. Et elles s’étaient surtout accompagnées d’autres coopérations, notamment avec l’installation d’une chaîne de supermarchés iraniens au Venezuela.

L’accord signé ce samedi devrait permettre à Téhéran d’aider le Venezuela à relancer sa production alimentaire en produisant directement sur son sol et en facilitant les exportations vers l’Iran et sa région. Le président vénézuélien a aussi annoncé l’ouverture d’une ligne aérienne directe entre Caracas et Téhéran à partir du 18 juillet prochain. Annonce déjà faite par le passé mais qui ne s’est jamais concrétisée.

Pour l’Iran, cet accord est avant tout un message politique envoyé aux États-Unis et ses alliés alors que la République islamique joue en ce moment la surenchère dans l’épineux dossier de son programme nucléaire. Pour protester contre le vote d’une résolution adoptée mercredi par le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique lui reprochant son manque de coopération, Téhéran a désactivé 27 caméras de surveillance. Une provocation qui risque de conduire à «une crise nucléaire aggravée» selon les Etats-Unis.

Pour Caracas en revanche, l’accord tombe à pic. La guerre en Ukraine et l’embargo américain contre le pétrole russe menacent très fortement les exportations vénézuéliennes. Sous sanctions, le pétrole vénézuélien se vendait jusque-là essentiellement en Chine et dans le reste de l’Asie du Sud-Est via un système financier très sophistiqué basé à Moscou. Désormais, non seulement l’existence même de ce système est menacée, mais la perte du marché américain et européen pour la Russie risque de pousser le Kremlin à vendre son pétrole à prix avantageux à son allié chinois, privant de facto le Venezuela de sa principale source de revenus.

Reste à savoir si cet accord entre les deux États honnis par l’Oncle Sam pourra tenir dans la durée comme il l’ambitionne. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a fait savoir vendredi que selon les informations dont disposent les Etats-Unis, les autorités et l’opposition vénézuéliennes ont «l’intention» de reprendre un dialogue politique. «Si nous voyons du changement, les sanctions peuvent être levées», a-t-il dit en conclusion du Sommet des Amériques qui s’est tenu cette semaine à Los Angeles. Voilà qui pourrait changer la donne.